Il apparaît aussi que ce dont je parle cette année, c'est de ça, je veux dire de cet appareillage du signifiant comme semblant à ce qui est d'un autre ordre, et qui est l'ordre du réel. J'ai en même temps la faiblesse de croire que c'est la question de Lacan entre 57 et 77. Ce mémento que je vous fais là, je le fais à moi-même. Je le fais à moi-même en public. Ca veut dire que je me suis dit que de le dire en public était pour moi une façon de pouvoir le savoir, c'est-à- dire de ne pas me contenter de l'avoir pensé, mais de l'inscrire par votre intermédiaire. C'est par là, au moins, que la position enseignante, si on ne se contente pas d'y répéter une position analysante, a un Autre, un Autre qui prend des notes, c'est-à-dire qui se trouve là garant d'une inscription. Plus ou moins, évidemment, parce que ça se perd. Mais, en même temps, ça se diffuse et ça peut se conserver. Dire en public - ce qui ne va pas sans risques - c'est une façon d'aller plus loin, même si c'est peut-être aussi quelque chose qui, une fois entrevu, se recouvre.
Мне также кажется, что то, о чем я говорю в этом году, я имею в виду аппарат означающего как кажимости, относится к другому порядку — порядку Реального. В то же время я склонен полагать, что это было вопросом Лакана между 1957 и 1977 годом. Памятку, которую я вам здесь привожу, я делаю для себя. Я проделываю такие штуки с собой на публике. Это означает, что я сказал себе, что для меня говорить на публике было способом влияния знания (pouvoir le savoir), то есть не удовлетворяться размышлением о нем, а записать его через вас. По крайней мере, благодаря этому в позиции преподавателя, если мы не довольствуемся повторением позиции анализанта, есть Другой — Другой, который делает заметки, то есть сам выступает гарантом записи. Более или менее очевидно, потому что оно теряется. Но в то же время оно распространяется и оно может сохраниться. Говорить на публике — что сопряжено с риском — это способ пойти дальше, даже если, возможно, это что-то, что будучи однажды увиденным, возвращается.
Je pense, là, à un passage d'une lettre privée de Lacan qu'il avait écrite en 1953 et qui a été publiée par mes soins il y a quatre ans, lorsque je l'avais retrouvée dans le dossier que Lacan m'avait laissé compulser. C'est une lettre que Lacan avait écrite à son ancien analyste, puisqu'il se trouvait qu'à cette époque il pouvait encore lui écrire – ils n'étaient pas encore fâchés. Il avait encore l'avantage de pouvoir écrire à son ancien analyste en 53, après la scission, et il y a un passage de cette lettre qui m'a paru extrêmement enseignant, tellement enseignant que Lacan l'a ensuite oublié. C'est un paragraphe bref et remarquable, où l'on voit la façon dont Lacan raconte une réunion plénière au sein de la Société Psychanalytique de Paris.
Я вспоминаю здесь отрывок из личного письма Лакана, которое он написал в 1953 году и которое было опубликовано мной четыре года назад, когда я нашел его в папке, которую Лакан оставил мне для сканирования. Лакан написал это письмо своему бывшему аналитику, ибо в то время он все еще мог писать ему — он еще не был разгневан. У него все еще было то преимущество, что он мог писать своему бывшему аналитику в 1953 году, после раскола, и в этом письме есть отрывок, который, как мне показалось, был чрезвычайно поучительным, о котором Лакан тогда забыл. Это короткий и замечательный абзац, в котором мы видим как Лакан рассказывает о пленарном заседании Парижского психоаналитического общества.
Voici le passage: "Ce fut le moment que le groupe de mes collègues, de plus en plus démontés, refusant de rien comprendre à ce qui arrivait, choisit pour faire un exemple. On avait essayer d'intimider les étudiants en leur annonçant la formation d'une commission de discipline et en leur proposant de nommer à sa tête un ancien magistrat (sic). [Lacan ajoute un sic, vous voyez que ses idées sur la magistrature ne datent pas de ses Ecrits.] Cela obtint un certain effet. Mais il était difficile qu'il fut définitif auprès de gens qui n'étaient pas encore engagés à l'endroit de l'Institut. Comment put-on penser qu'en frappant haut, l'intimidation serait décisive? Un nommé Pache, ancien existentialiste, passé au rang de Jacobin de la nouvelle institution, et qui, dès les premiers conflits, me déclara qu'il s'agissait d'avoir en main un pouvoir dont on tisserait les effets jusqu'à ses dernières conséquences, me fit savoir, avec toute l'estime qu'il tenait et de ma personne et d'un enseignement dont les termes avaient été souvent pour lui illuminants, que ma présence même à la place que j'occupais, était à l'origine de la résistance des étudiants, que c'est parce qu'ils se savaient soutenus par moi à l'intérieur, qu'elle se poursuivait, et donc qu'il convenait de nous séparer. Je me souviendrai toute ma vie, à travers les propos de ce Robespierre qui conservaient quelque tenue dans leur délire, des figures convulsées de ceux qui participaient à cette hallali originale. Ce n'était pas un beau spectacle, et, résistant à leurs aboiements, je me donnais le luxe de le revoir une seconde fois. Mais un certain nombre de ceux en qui le précédent spectacle avait ému la fibre de l'horreur humaine, s'en allèrent définitivement pour fonder une nouvelle Société, et je les rejoignis aussitôt."
Вот отрывок: «Это был момент, который группа моих коллег — все более разобщенная, отказывающаяся вообще понимать что происходит — избрала чтобы преподать урок. Мы хотели попытаться припугнуть студентов и объявили им о формировании дисциплинарной комиссии, предлагая поставить во главе ее бывшего магистра (sic). [Лакан добавляет sic, вы видите, что идеи насчет магистратуры не относятся к его Écrits.] Это возымело определенный эффект. Однако, было непросто получить окончательный результат от людей, которые не были еще ангажированы местом Института. Каким образом могло быть помыслено, что этот удар по верхам, это запугивание окажется решающим? Некто по имени Паш, бывший экзистенциалист, перешедший в ранг якобинца этой новой институции, с первых же конфликтов заявил мне, что речь идет об удержании в руках власти, из которой будет извлечены все возможные эффекты вплоть до самых крайних, и он дал мне понять, со всем уважением которое он питал к моей персоне и моему учению, понятия которого часто были для него проясняющими, что мое присутствие даже на том месте, которое я занимал, и было причиной сопротивления студентов, что именно поскольку они изнутри — подспудно, интуитивно — знали о моей поддержке, что она продолжится, и что дескать поэтому следовало бы нас разлучить. Я всю жизнь буду вспоминать, в связи с предложениями Робеспьера, которые сохранили какую-то бредовую устойчивость, конвульсивные фигуры участвовавших в этом улюлюканье (hallali originale). Это не было приятным зрелищем, и, невозмутимый к их болтовне, нападкам, я позволил себе роскошь посмотреть его еще раз. Однако некоторые из тех, у кого предыдущий спектакль затронул фибры человеческого ужаса, окончательно покинули этот балаган чтобы образовать новое сообщество, к которому я тут же примкнул».
J'avais demandé à Lacan de faire une petite préface, et il m'avait dit que tout cela lui faisait horreur: "Tout ce qui est publié ici, notamment de ma plume, me fait horreur, au point que j'ai cru l'avoir oublié, ce dont celui qui m'édite témoignera."
Я попросил Лакана написать небольшое предисловие, и он сказал мне, что все это приводит его в ужас: «Все, что публикуется здесь, особенно выходящее из-под моего пера, ужасает меня до такой степени, что я полагал, что «забыл» это, о чем тот, кто редактирует меня, будет свидетельствовать».
J'ai relu ce petit texte pendant les vacances de Pâques, et je l'ai trouvé tout à fait singulier comme confession de la part de Lacan. J'ai essayé de me représenter les choses. Il y avait quoi? Il y avait une salle, à Paris, ou bien un salon, peut-être au 3, rue de Lille, puisque des réunions de cet Institut s'étaient tenues au domicile privé de Lacan. Une salle donc, avec vingt personnes autour d'une table. Qu'est-ce qui peut arriver dans ce cadre tant qu'on n'est pas aux prises avec la maffia? – je veux dire la bonne, le K.G.B. par exemple. Qu'est-ce qui peut arriver tant qu'on n'est pas au Moyen Age où l'on peut être déchiré par les chiens? Qu'est-ce qui peut arriver quand on est avec vingt collègues dans un salon? On peut penser qu'ils vont être en désaccord avec vous et le dire simplement avec vivacité. Mais ce n'est pas en ces termes que Lacan évoque cette séance-là. Il l'évoque en disant qu'il s'agissait là de la fibre de l'horreur humaine, de quelque chose dont il se souviendra, dit-il, toute sa vie. Il faut donc bien penser qu'il y a eu quelque chose de beaucoup plus profond qui a été touché à travers ces incidents. Ou on pense que Lacan est emphatique dans cet écrit, dans cette lettre privée, ou on admet que quelque chose de l'horreur de savoir peut être là concerné. Ce désir de mettre l'autre à mort est un désir qui, dans le cadre civilisé d'un salon du septième arrondissement de Paris, entre collègues, peut se faire voir avec la même sauvagerie que si on avait là des hommes armés de casse-têtes et se massacrant les uns les autres. La force, la force physique, n'est pas là en question, mais c'est justement pour ça que l'horreur en est encore plus pure.
Ce qui me frappe aussi, c'est que, à ma connaissance, Lacan n'a pas relu cette lettre quand j'ai retrouvé le manuscrit dans ses archives, dans ses archives ô combien poussiéreuses – après avoir farfouillé là-dedans pendant quatre ou cinq heures, j'ai dû prendre une douche. Même la première page de cette lettre était déchirée et j'ai dû en rassembler les morceaux comme un puzzle. Je ne pense donc pas que Lacan ait relu cette lettre. Ce que je m'étais dit à Pâques là-dessus, c'est qu'il faisait finalement beaucoup de bruit pour pas grand chose, puisque, après tout, il ne décrit là qu'une séance pénible. Je me disais qu'il était là avec cinquante analystes notables, incontestés, et que, si je peux me permettre de faire la confidence, en janvier de l'année dernière, j'avais subi un assaut autrement plus puissant que celui-là. Pour ce qui est des visages convulsés, je n'en ai pas trop vus, mais pour ce qui était de l'horreur humaine par courrier tous les matins et pendant trois mois, j'ai eu mon comptant. Ce qui m'épate, c'est à quel point je l'avais moi aussi oublié. Je l'avais oublié mais il suffit d'un rien pour que ça puisse recommencer.
On peut évidemment dire que j'exagère. On peut dire que j'exagère, puisque, tout récemment, on n'a entrevu ça que très fugitivement et que ça s'est refermé tout de suite. Mais c'était cependant une émergence du même ordre. Quand se produit un tel effet de vérité, nous savons que c'est toujours fugitif, nous savons qu'un instant plus tard, on ne voit déjà plus rien, que c'est recouvert. De ces effets de masse, quelqu'un m'en donnait le témoignage, à savoir que deux minutes avant de prendre la parole, il pensait le contraire de ce qu'il s'était mis ensuite à vociférer en public. Il pensait le contraire et, à un moment, saisi par une voix, il s'était trouvé propulsé à m'invectiver, à mettre en cause le on nous manipule. La minute d'après, il avait désaoulé.
A cet égard, il est évident que la mauvaise pente voltairienne se trouve spécialement dangereuse, spécialement imbécile dans les masses, et qu'il faut vraiment n'avoir jamais voulu savoir ce dont Freud parle dans Psychologie des masses, pour être voltairien devant une assemblée massive. Devant une assemblée, il n'y a qu'une seule chose qui est possible, c'est d'être un surmoi, d'être un surmoi dans le registre imaginaire, c'est-à-dire d'être obscène et féroce. Il faut dire que Lacan faisait ça avec beaucoup d'élégance. Je veux dire qu'il n'en remettait pas. Certes, il était obscène et féroce, mais bonhomme aussi. L'image qui me venait, à le voir dans les assemblées de l'Ecole freudienne aujourd'hui liquidée, c'est qu'il s'asseyait dessus, et que, de tout son poids, à la tribune, il écrasait cette assemblée. Là, ce n'était pas seulement un tripode qu'il avait pour s'asseoir, mais plutôt une sorte de mille-pattes. Vous avez vu des mille-pattes écrasés par une pierre? Eh bien, c'était ça.
Lacan, à ce sujet, nous avait fait une recommandation. Il l'avait faite à moi quand il m'avait demandé de rédiger les statuts de la défunte Cause freudienne. Il m'avait dit: Pas d'assemblée générale! Je m'étais senti obligé de lui expliquer que c'était très difficile de ne pas en faire. Il n'aurait pas été impossible de consulter un juriste vraiment très calé, mais enfin, ça paraissait un peu limite comme exercice. Alors, après lui avoir répondu ça, il m'a dit: Bon, mais alors, qu'elle soit censée. J'ai donc proposé, ensuite, qu'il y ait plutôt une assemblée représentative restreinte, c'est-à-dire que les membres de l'institution se groupent par cinq pour en déléguer un à l'assemblée, qui se trouverait par là-même représentative mais non massive. On a tendance à penser que certains phénomènes se produisent plus difficilement avec un nombre restreint de personnes qu'avec un nombre important. Mais ça n'est pas dit, si l'on songe à ce que Lacan évoque de cette réunion de vingt bourgeois parisiens dans le septième arrondissement en 1953. Ce qu'il m'avait dit là, était cependant une précaution, une leçon de sa part. Il y a une leçon institutionnelle de Lacan, même si le pas d'assemblée générale est évidemment une leçon de droit institutionnel un petit peu spéciale.
Aujourd'hui, dans l'Ecole de la Cause freudienne, où les choses se sont un peu déplacées, nous nous sommes retrouvés par exception dans une assemblée, par exception puisque c'était là une assemblée qui n'avait aucune raison de se reproduire: elle était extraordinaire et première pour la mise en place de la procédure de la passe. Mais il a suffi cependant, dans ce cadre, de réunir les conditions de ce genre d'explosion, pour, non pas que ça ait lieu, mais pour qu'on puisse entrevoir ce que ça pourrait être, ce que ça pourra être plus tard, puisqu'on a quand même prévu de se revoir dans sept ans, en 1989. Je pense donc qu'il n'est pas inutile que l'on médite sur ce point, puisque c'est peut-être là un point d'horreur pour chacun. Evidemment, moi, il faut que je repense à ça. Je ne vois pas pourquoi je ne continuerai pas à faire un cours sur les points qui me touchent. Il y a là de quoi permettre de me rediriger, de cerner mieux ce dont il s'agit pour moi dans la psychanalyse. Ça ne veut pas dire – bien que j'en tire les conséquences – que je vais traiter des problèmes de l'institution l'année prochaine. Il faut que ça se décante un petit peu.
Je vais reprendre, à partir de ces considérations, le commentaire du texte sur la passe que Lacan a adressé aux Italiens. Je vais le reprendre là où nous l'avions interrompu, après avoir saisi la nouveauté de l'approche de Lacan qui consiste à distinguer entre fonction et ex-sistence de l'analyste, c'est-à-dire à ne pas le définir seulement de ce qu'il fonctionne, mais à lui supposer une ex- sistence possible et qui ne serait pas au niveau du prédicat signifiant. S'il y avait une propriété de l'analyste, il serait alors possible de faire un tout de l'analyste, mais, comme je vous l'ai souligné, l'analyste au sens de Lacan relève du pas-tout, ce qui veut dire que l'Analyste n'existe pas. Ca conduisait Lacan à proposer comme sélection ou comme formation du groupe italien – groupe partant non pas de zéro mais de trois, c'est-à-dire vraiment d'un minimum, c'est-à-dire un groupe qui n'a que ça pour lui: d'être tripode, ce qui, il faut bien le dire, est curieux - ça conduisait Lacan à proposer à ce groupe de se former à partir de la procédure de la passe.
Я возобновлю, исходя из этих соображений, комментарий к тексту о проходе, пропуске, пассе (la pass), который Лакан адресовал итальянцам. Я продолжу с того места, где мы остановились после того как усвоили новизну подхода Лакана: различение функции аналитика и его вне-существование. Подход этот заключается не в определении функции аналитика, но в предположении позиции вне-существования, которая не располагалась бы на уровне означающего предиката. Будь у аналитика свойства, было бы возможно сделать его целым, но, как я уже отметил, аналитик в лакановском смысле принадлежит не-всему, что означает, что аналитик не существует. Вот что побудило Лакана предложить в качестве выборки или формирования итальянской группы — группы, начинающейся не с нуля, а с трех, то есть действительно с минимума, группы, у которой есть только это быть «тройкой», что, надо сказать, любопытно — сформироваться исходя из процедуры пасса.
Je disais, la semaine dernière, qu'on ne pouvait pas faire cette proposition à un groupe quand il n'est plus tripode et qu'il devient un peu ventripotent. C'est une proposition qui vaut pour des groupes qui repartent à trois. Je dois dire que repartir à trois, ça serait peut-être formidable. Moi, j'aurais une pente à ça. C'est encore la chance qu'ils ont. Ils ont des groupes analytiques qui n'existent pas pour l'instant. Il y a quand même pas mal de pays qui se posent la question de constituer des groupes et pour qui cette proposition de Lacan serait une façon de se constituer. Ce ne sont plus les Italiens qui sont maintenant des maquereaux mais d'autres pays où ça n'existe pas encore, les pays de l'Est par exemple.
On voit bien quel est l'enjeu de ce texte. Ce qu'on en attend, c'est de nous permettre de cerner l'ex-sistence de l'analyste en tant qu'elle est distincte de sa fonction et qu'elle est distincte aussi de tout prédicat signifiant. Comment définir cette ex-sistence si on ne la définit ni à partir de la fonction ni à partir du prédicat? C'est à cette question que s'affronte le reste du texte: "Je voudrais ici frayer cette voie, s'il [le tripode italien] veut la suivre. [...] il faut pour cela du réel tenir compte". Quand on lit le texte, on voit qu'il y a un décalage complet entre les deux premières pages, qui sont institutionnelles et où Lacan parle de la définition du psychanalyste, et cette coupure: "il faut pour cela du réel tenir compte." On pourrait comprendre qu'il faudrait tenir compte du réel comme on tient compte de l'imaginaire et du symbolique. Mais ce qu'il faut plutôt saisir, c'est que, dès lors que l'analyste est pas-tout et ne peut être défini par un prédicat signifiant ni par la fonction, son ex-sistence ne peut se supporter qu'à partir du réel. Ce n'est donc pas tenir compte du réel comme de l'imaginaire et du symbolique. Le réel est là ce qui reste pour pouvoir supporter la définition de l'analyste, la définition de son ex-sistence. Et Lacan ajoute: "Soit de ce qui ressort de notre expérience du savoir."
Мы видим, что является посылом этого текста. От этого ожидается, что мы сможем определить существование аналитика в той мере, в какой оно отличается от его функции, а также от любого означающего предиката. Как определить вне-существование (ex-sistence), если оно не определяется ни из функции, ни из предиката? Именно с этим вопросом мы сталкиваемся в этом фрагменте текста: «Я хотел бы здесь наметить этот путь, если она [итальянская «тройка»] хочет ему следовать. [...] нужно учитывать Реальное». Когда мы читаем текст, мы видим полный разрыв между первыми двумя страницами, являющимися институциональными, где Лакан говорит об определении психоаналитика, и этим сокращением: «для этого нужно учитывать Реальное». Мы могли понять, что нам нужно учитывать реальное, как мы учитываем воображаемое и символическое. Но, скорее, следует схватить, что, поскольку аналитик — это не все и не может быть определен ни означающим предикатом, ни функцией, его вне-существование может поддерживаться только из реального. Следовательно, он не учитывает реальное как и воображаемое и символическое. Реальное — это то, что остается способным поддержать определение аналитика, определение его вне-существования. И Лакан добавляет: «Либо то, что выходит (ressort) из опыта нашего познания».
Puisque je voulais vous donner un exemple de lecture de Lacan, il faut bien que j'attire votre attention sur les soit de Lacan, sur ses soit ceci, soit cela, et sur ses à savoir ceci, à savoir cela. C'est le plus souvent de cette manière que Lacan introduit ses définitions. Lacan est prodigue de définitions. Il y a même certains de ses textes qui ne progressent que par des séquences de définitions. C'est là ce qui égare beaucoup ses lecteurs, puisqu'ils s'imaginent qu'une définition de Lacan c'est comme une définition de Kant, à savoir qu'on aurait une équivalence stricte et réciproque des deux termes, et que ça resterait valide sur toute la plage d'un texte ou sur toute la plage d'une année de Séminaire, voire sur toute la plage de son enseignement. On s'imagine pouvoir dire que, pour Lacan, le fantasme c'est ceci, puisqu'il l'a écrit. Or, la définition chez Lacan ne fonctionne absolument pas comme ça. Le soit et le à savoir introduisent la définition opportune, la définition qui convient à un point de sa construction. C'est pourquoi, dans son enseignement oral, il est si prodigue du en tant que. Le en tant que signale qu'on prend les choses sous un angle et que, sous un autre angle, l'approche sera différente. Lacan respecte dans son écriture le semblant du signifiant. Il ne pense pas, quand il écrit, que ce sont les choses qu'il manie. Il manie les angles, il manie des constructions. C'est pourquoi, visant dans son expérience quelque chose du désir, soit l'objet a - qui est vraiment le nom le plus plat qu'on ait pu produire, et qui, à la différence de l'objet oral ou de l'objet anal, ne représente pas les choses - Lacan propose des constructions qui ne sont pas forcément toutes convenables et cohérentes entre elles. Elles constituent autant d'approche du même point dont il s'agit, approches qui déplacent évidemment aussi le point dont il s'agit. Toute construction de l'objet a qui ne rappelle pas la construction dans laquelle il s'inscrit, est donc du vent. Je prends le petit a comme exemple parce que personne n'en avait eu l'idée avant Lacan. Toute définition de l'objet a qui le prend comme de bien entendu et qui ne donne pas sa définition opératoire à un moment donné - définition opératoire dans les deux sens: celle avec laquelle on va opérer et l'opération qui a produit cette définition -, toute mention de l'objet a qui, dans la plage d'un exposé ou d'un écrit, ne donne pas cette définition opératoire, ne témoigne de rien. Ca ne témoigne de rien, on ne parle alors que de fictions. Bien sûr qu'on ne parle que de fictions, mais c'est justement pour ça qu'il faut les construire. Quand Lacan dit: "il faut pour cela du réel tenir compte. Soit de...", il donne une définition opératoire de ce dont il s'agit.
Je relève aussi que, dans l'extrême précision du vocabulaire, le tenir compte est un peu flou. On pourrait considérer que prendre en compte est spécialement une opération signifiante. Il y a d'ailleurs des inventions prodigieuses dans cet ordre du prendre en compte, comme par exemple l'invention de la comptabilité. C'est une des grandes inventions signifiantes sur laquelle il y a beaucoup à dire. Les historiens nous ont montré la supériorité qu'avaient acquise dans ce domaine les Italiens, mais aussi les Allemands, entre le XVe siècle et le XVIe siècle. Ils ont inventé des méthodes modernes de comptabilité que j'ai beaucoup de mal à maîtriser. C'est d'ailleurs ce que me reprochait une comptable, une trésorière, à savoir que j'ai du mal à convertir les anciens francs en nouveaux francs. Je le prends comme un reproche, puisque je suis censé aussi m'occuper des finances de cette Ecole de la Cause. Ca m'a fait suffisamment horreur pour que maintenant je ne m'en occupe plus. Pour ce qui est de retrouver la substance de l'objet a qui est dans l'argent, il faut croire que je ne suis pas très doué. Mais c'est justement là, à partir de l'objet, que le tenir compte pourrait donner toute sa valeur: "il faut pour cela du réel [du réel de l'objet] tenir compte". Et Lacan ajoute: "Soit de ce qui ressort de notre expérience du savoir". Voilà ce dont il s'agit: tenir compte du réel mais en tant qu'il est impliqué dans "ce qui ressort de notre expérience du savoir".
Là, le notre est tout à fait problématique. De qui s'agit-il dans notre expérience du savoir? Ca peut être le nous autres analystes, mais vous voyez, dès la phrase suivante, que la pertinence que prend Lacan est encore plus large. Notre expérience du savoir, c'est quasiment notre expérience contemporaine, l'expérience de l'homme moderne. Il y a là deux valeurs. C'est à la fois ce qui ressort à notre expérience du savoir, ce qui a trait à notre expérience du savoir, et c'est aussi bien ce qui choit de notre expérience du savoir, ce qui en sort, ce qui en ressort. La valeur du terme ressort est là double. Elle est à la fois d'implication et de sortie, de déchet.
«Нашего» также довольно проблематично. О чем идет речь в нашем опыте познания? Это могло быть нашего, то есть других аналитиков, но из следующего предложения вы видите, что значение, которое предлагает Лакан, намного шире. Наш опыт познания — это почти наш современный опыт, опыт современного человека. Здесь есть два значения. Одновременно это то, что возникает из нашего опыта познания, что относится к нашему опыту познания, а также то, что выпадает из нашего опыта познания, что из него выходит, что из него ressort, следует или выделяется. Термин ressort имеет двойное значение. Одновременно следствия и выхода, отброса.
"il faut du réel tenir compte. Soit de ce qui ressort de notre expérience du savoir." Il faut tenir compte du réel, c'est-à-dire de ce en quoi il est impliqué dans notre expérience du savoir, c'est-à-dire qu'il faut tenir compte de ceci, qu'il y a du savoir dans le réel. "Il y a du savoir dans le réel." C'est une des formules éclatantes de Lacan qui mériterait d'avoir plus de célébrité, et qui, évidemment, fait pendant à son "Y a d'l'Un". Je dirai que c'est susceptible de faire de l'effet même à quelqu'un qui n'est pas introduit à l'enseignement de Lacan.
«нужно учитывать Реальное. Либо то, что исходит из нашего опыта познания». Следует учитывать Реальное, то есть то, что входит в наш опыт познания, то есть мы должны учитывать, что в Реальном есть знание. «В Реальном есть знание» — одна из блестящих формул Лакана, заслуживающая большей известности и, очевидно, являющаяся аналогом его «Одного имеется вдосталь» (Y a d'l'Un). Я скажу, что это, вероятно, подействует даже на того, кто не знаком с учением Лакана.
Ce "Il y a du savoir dans le réel", ça devrait être la définition de l'expérience analytique. Ca devrait être la définition de la condition préalable de l'expérience analytique. En effet, s'il y a du savoir dans le réel pour l'expérience analytique, on peut alors espérer traiter le réel du symptôme à partir du signifiant et du savoir analytique. Vous saisissez la connexion? S'il y a du savoir dans le réel pour l'expérience analytique, si c'est là-dessus qu'elle tourne, on est sauvé. Or, tout le prix de cette définition de Lacan quand il l'a donnée, c'est que c'est l'hypothèse de la science et que ce n'est pas l'hypothèse de la psychanalyse. La résorption de la psychanalyse dans la science, que Freud a attendue et espérée, et que Lacan lui-même a promue au début, ne serait possible que si l'expérience analytique était supportée par l'axiome qu'il y a du savoir dans le réel. C'est à partir de là que toutes ces problématiques de la psychanalyse et de la science s'affrontent. Et c'est bien juste au moment où Lacan s'est détaché de cette idée qui avait été directrice dans tout le premier versant de son enseignement, qu'il a posé la question, dans le Séminaire XI, de savoir si la psychanalyse était ou non une science. C'est justement à ce moment de bascule qu'il a commencé à élaborer comme réel l'objet a, c'est-à- dire à poser qu'il y a du réel en jeu dans l'expérience analytique mais que ce réel en jeu n'est pas du savoir. Ca peut être aussi du savoir mais ce n'est pas exclusivement du savoir. Le réel en jeu par excellence dans l'expérience analytique, c'est l'objet a, et l'objet a n'est pas du savoir.
«В Ральном есть знание» должно стать определением аналитического опыта. Оно должно быть предварительным условием аналитического опыта. В самом деле, если для аналитического опыта существует знание в реальном, тогда мы можем надеяться лечить реальный симптом на основе означающего и аналитического знания. Вы понимаете связь? Если в реальном есть знание для аналитического опыта, если это то, вокруг чего он вращается, мы спасены. Однако вся ценность этого определения Лакана, когда он его дал, состояла в том, что это гипотеза науки, а не гипотеза психоанализа. Преобразование психоанализа в науку, чего ожидал и на что надеялся Фрейд, а Лакан продвигал вначале, было бы возможно только в том случае, если бы аналитический опыт был подкреплен аксиомой о том, что в Реальном есть знание. Отсюда и столкновение всех этих проблем психоанализа и науки. И как раз в тот момент, когда Лакан в XI Семинаре отошёл от этой идеи, которая была руководящим принципом всей первой части его учения, он поставил вопрос является ли психоанализ наукой. Именно в этот переломный момент он начал разрабатывать объект a как реальный, то есть утверждать, что в аналитическом опыте задействовано Реальное, но на карту поставлено отнюдь не знание. Иногда задействовано может быть и знание, но не исключительно знание. Реальным по преимуществу в аналитическом опыте является объект а, а объект а знанием не является.
Lacan, en 64, était visiblement dans ce débat avec lui-même. Dans le texte de "Position de l'inconscient", il dit que sa novation dans la psychanalyse, c'est l'esprit scientifique. Mais enfin, il dit l'esprit et ça n'engage pas complètement. C'est vrai qu'il vaut mieux à cet égard avoir l'esprit scientifique, puisque, en l'occurrence, avoir l'esprit scientifique, c'est savoir que le signifiant est du semblant, c'est-à-dire une affaire de construction. C'est aussi, si l'on veut, l'esprit juridique. Mais ce qui distingue là les juristes, c'est qu'ils y croient. Ils croient que ça se sédimente et que ça ne s'oublie jamais. Le droit se forme par sédimentation. Il ne connaît pas les ruptures propres au développement de la science. C'est bien par là que le juriste a de la mémoire. Le droit a de la mémoire. Il s'agit dans les deux cas de constructions signifiantes mais fondées sur un rapport au passé tout à fait différent. D'ailleurs, même quand il y a des ruptures dans l'ordre du droit, par exemple avec la Révolution Française, on sait bien que ce qui continue et se poursuit est bien plus important que ce avec quoi on rompt. Regardez une révolution comme celle de la création de l'Ecole de la Cause freudienne, cette révolution dans le droit psychanalytique. Ce qui continue est évidemment bien supérieur à ce qui change. On reste fétichiste, au point de continuer de parler d'A.E. et d'A.M.E. On tient à une tradition.
Le savoir dans le réel, Lacan en fait donc l'apanage de la science, au sens où il la définit dans le Séminaire XI, à savoir comme étant précisément et essentiellement la physique mathématique et ce qui s'ensuit, c'est-à-dire ce qui n'est pas purement et simplement la mathématique, qu'il traite à part. Ce qui lui paraît supporter la science, le singulier de la science, c'est ce moment de la révolutions scientifique où on s'aperçoit que les choses semblent connaître les mathématiques et y obéir. Elles y obéissent parce qu'il y a des rapports, des rapports mathématiques entre les choses, précisément le genre de rapport mathématique qu'il n'y a pas entre les sexes, au moins dans l'inconscient, puisque dans la génétique il y a ces rapports, puisqu'il y a rapport sexuel au niveau biologique. Le "Il n'y a pas de rapport sexuel" de Lacan ne vaut que pour la dimension de l'inconscient.
Лакан делает знание в Реальном прерогативой науки в смысле того определения, которое он ей дает в XI Семинаре: как математической физики и того, что следует за ней, то есть не является чистой математикой, которую он рассматривает отдельно. То, что ему кажется поддерживает науку, единичное в науке, — это время научных революций, когда мы понимаем, что вещи, как будто, знают математику и подчиняются ей. Они подчиняются ей, потому что существуют отношения, математические отношения между вещами, именно такие математические отношения, которых нет между полами, по крайней мере, в бессознательном, поскольку в генетике эти отношения существуют, поскольку есть сексуальные отношения на биологическом уровне. Лакановское «сексуальных отношений не существует» справедливо только для измерения бессознательного.
"Il y a du savoir dans le réel." C'est la formule que Lacan présentait dans son Séminaire à partir de la loi de la gravitation de Newton, loi qui avait scandalisé les contemporains en ce qu'ils se demandaient comment les planètes pouvaient connaître la formule de Newton pour y obéir. Nous, maintenant, nous ne nous posons plus la question. Nous sommes tellement habitués à ce savoir dans le réel que cette question nous fait rigoler. Mais enfin, Lacan, il était plutôt du côté des autres, du côté des contemporains de Newton. Lui aussi, il trouvait ça étrange.