La tenue de la Rencontre internationale n'a pas été sans réorienter un tant soit peu le cours de mes pensées. Ce n'est pas que j'abandonne le dessein qui est le mien cette année, mais que les prises de parole et les interventions ont eu en elles-mêmes une incidence propre. Par exemple, j'ai bien été forcé de quitter le style de ce cours, pour faire, comme tout le monde, une intervention d'un vingtaine de minutes sur un sujet clinique. Je l'ai faite sur la clinique du début de la cure, en partant de la considération que si Lacan avait donné, d'une façon à la fois précise, allusive et très économe, une clinique-type de la fin de l'analyse, qui a pour centre la traversée du fantasme, il ne l'avait pas donnée pour le début de la cure, même s'il en a posé le fondement avec le sujet supposé savoir.
Je m'en suis donc tenu, en faisant une intervention clinique, à la formule définie pour cette Rencontre. J'ai été aussi amené à improviser une intervention devant un groupe plus restreint, dans un séminaire qui s'est tenu après cette Rencontre, sur un sujet qui avait été abordé mercredi dernier et qui portait sur la question de la voix. Voilà donc les deux interventions qui ont un peu réorienté le cours de mes pensées, et c'est, si vous le voulez bien, ce dont je vais plutôt vous parler aujourd'hui.
Cette affaire de voix, de l'objet voix, est un des points qui sont en réserve dans l'enseignement de Lacan. C'est un point sur lequel on trouve beaucoup moins de données et d'articulations que pour les autres objets freudiens et pour l'objet lacanien qu'est le regard. Il y a donc là une partie qui apparaît comme à élaborer, une partie dont le cadre est fixé déjà dans l'enseignement de Lacan mais qui reste non développée. Ca reste donc pour nous une difficulté, et spécialement pour cette affaire de surmoi qui occupe la Section clinique cette année. Cette difficulté, je la connais bien, puisque, il y a quatre ou cinq ans, j'avais consacré du temps à cette affaire, mais sans boucler les choses. Je ne pense pas d'ailleurs pouvoir le faire davantage aujourd'hui, sinon, tout de même, rassembler les pensées qui peuvent y toucher.
Si je prends le terme de surmoi, il faut évidemment que je répète la mise en garde que j'ai faite lors de la Rencontre, à savoir qu'il est vain de penser que l'on puisse superposer les concepts de Freud et les mathèmes de Lacan. Les mathèmes de Lacan ne sont pas une pure et simple transcription terme à terme des concepts de Freud. Les concepts de Freud se trouvent, entre les mathèmes de Lacan, répartis d'une autre façon. Ils se trouvent éclatés entre ces mathèmes. Par là, des groupements nouveaux sont opérés, et les mathèmes remplacent, dans un certain sens, les concepts de Freud. Ce mouvement est tout à fait sensible dans le décours de l'enseignement de Lacan. Nous assistons à la substitution progressive de ces mathèmes aux concepts de départ de Freud - ce qui n'empêche évidemment pas de réinclure ces concepts de Freud, qui se mettent à surgir par un aspect ou par un autre dans le cours de cet enseignement, mais sans que jamais on puisse les faire strictement s'équivaloir aux mathèmes.
Обращаясь к термину Сверх-Я, следует повторить предупреждение, которое я сделал во время Встречи, а именно: не стоит думать, что можно наложить концепции Фрейда на матемы Лакана. Матемы Лакана не являются в чистом виде и просто терминологической транскрипцией понятий Фрейда. В лакановских матемах понятия Фрейда распределяются иначе. Они оказываются разделенными между этими матемами. Таким образом они группируются по-новому и матемы в некотором смысле заменяют понятия Фрейда. Это движение бесспорно ощутимо на исходе учения Лакана. Мы являемся свидетелями постепенной замены первоначальных понятий Фрейда этими матемами, что, очевидно, не препятствует реинтеграции понятий Фрейда, которые начинают проявляться в том или ином аспекте в ходе этого учения, но без возможности стать строго эквивалентными матемам.
Rien ne rend plus sensible ce décalage entre les concepts freudiens et les mathèmes lacaniens que cette catégorie du surmoi. Ce n'est d'ailleurs pas par un seul des mathèmes de Lacan que ce surmoi freudien peut être épuisé. Lors de ce séminaire de la Rencontre, je crois que j'ai un peu surpris l'assistance en marquant que je pensais qu'il était utile de repérer le surmoi sur le S2 de Lacan. Je n'ai évidemment pas l'idée de résumer avec ça le surmoi freudien, et je vais donc d'abord vous montrer comment on peut le répartir sur quatre mathèmes fondamentaux de Lacan.
Ничто не делает это расхождение между фрейдовскими концепциями и лакановскими матемами настолько ощутимым, как эта категория Сверх-Я. Более того, фрейдовское Сверх-Я не исчерпывается одной лишь матемой Лакана. Я считаю, что во время этой Встречи я немного удивил аудиторию, отметив, что, по моему мнению, было бы целесообразно обнаружить Сверх-Я в S2 Лакана. У меня, очевидно, нет идеи резюмировать этим фрейдовское Сверх-Я, и поэтому я сначала покажу вам, как оно может быть распределено по четырем основным матемам Лакана.
Premièrement, le surmoi, dans son usage freudien, c'est le nom le plus proche de la division du sujet au sens de Lacan. C'est quand les freudiens et les postfreudiens rencontraient les phénomènes cliniques qui relèvent de ce que Lacan isolera plus tard comme la division du sujet, qu'ils mettaient en cause et en fonction le surmoi. C'est même ce qui explique cette surprenante conjonction signalée par Freud entre le surmoi et le ça. Cette complicité du ça et du surmoi, on a évidemment beaucoup de mal à en rendre compte lorsqu'on s'imagine que le surmoi est une fonction morale et que le ça est le repère des instincts qui conduisent spécialement à l'immoralité. Ca fait un paradoxe que d'imaginer bras dessus bras dessous le juge et le délinquant. Bien que ce paradoxe s'étale de toutes les manières possibles dans notre société, ça fait une difficulté que de s'imaginer cette complicité. Or, elle s'évanouit si on admet que ce que ces instances essayent de cerner dans l'expérience, c'est l'hétéronomie du sujet, et qu'elles qualifient ce qui dans l'économie subjective ne travaille pas pour le bien du sujet mais contre ce bien, de telle façon que le surmoi soit en même temps un contre-moi. C'est même comme ça que son scandale émerge dans l'expérience: en moi et contre moi.
Во-первых, Сверх-Я в его фрейдовском использовании — это название, наиболее близкое к разделению субъекта в лакановском смысле. Когда фрейдисты и постфрейдисты столкнулись с клиническими феноменами, относящимися к тому, что Лакан позже выделил как разделение субъекта, они поставили под вопрос Сверх-Я и его функцию. Это даже объясняет это удивительное соединение (conjonction) между Сверх-Я и Оно, указанное Фрейдом. Этот тайный сговор Оно и Сверх-Я мы, очевидно, осознаем, хоть и с большим трудом, когда представляем Сверх-Я как функцию морали, а Оно — ориентир влечений, особенно тех, что ведут к безнравственности. Судья и правонарушитель идущие рука об руку — парадоксальная картина. Хотя этот парадокс распространен в нашем обществе во всех возможных вариациях, трудно представить себе это соучастие.
C'est ce qui, entre parenthèses, marque bien la dérive qui est constitutive de l'egopsychology, à savoir d'essayer de fonder l'autonomie du moi, ce qui implique – je l'ai déjà souligné – la mise au rancart de la catégorie du surmoi. Dans tout ce qui est l'egopsychology, dans tout ce qui est la psychanalyse anglo-saxonne telle que ses bases ont été posées par Kris, Hartmann et Loewenstein, spécialement après la guerre, et qui ont donné à Lacan le départ de sa critique et de son enseignement, – dans toute cette egopsychology, qui est une interprétation de l'oeuvre de Freud, on peut dire que le surmoi est au rancart et n'a fait l'objet que d'une petite note de rattrapage de Hartmann et Loewenstein en 1962, qui a été publiée en français dans la Revue française de psychanalyse, sous le titre de Note sur le surmoi.
Le surmoi intervient proprement dans l'expérience au moment où devient patente la division du sujet. Une des écritures du surmoi freudien, c'est le $ du sujet divisé, ce $ que Lacan a introduit comme une écriture du sujet à propos du fantasme Un enfant est battu. Ce fantasme, qui est le paradigme des relations du sujet avec le surmoi, se traduit évidemment par Un sujet est barré. C'est là la formule générale du fantasme. C'est ce qu'introduit Lacan avec ce sujet qui n'existe jamais qu'avec la barre. Ce n'est pas qu'il y ait un sujet et qu'ensuite il soit divisé. Ce que Lacan veut dire par là, c'est que le sujet n'a pas d'existence préalable à sa propre division. Le sujet n'apparaît qu'au moment où il disparaît. C'est là une matrice qui permettrait énormément de rhétorique. On pourrait continuer là-dessus en multipliant les paradoxes. Mais le noyau, c'est que le sujet est la division du sujet. D'ailleurs, les moments où Freud repère la voix du surmoi, sont toujours des moments qui sont d'éclipse du sujet.
Вмешательство Сверх-Я в опыт происходит, собственно, в тот момент, когда разделение субъекта становится очевидным. Одно из написанного фрейдовским Сверх-Я — это книга о разделенном субъекте, $ которое Лакан представил как запись субъекта о фантазме «Ребенка бьют». Этот являющийся парадигмой отношений субъекта со Сверх-Я фантазм, очевидно, приводит к «Субъект перечернут». Это общая формула фантазма. Это то, что Лакан вводит с этим субъектом, который не существует никак, кроме как перечеркнутым. Дело не в том, что имеется субъект, а затем он разделен. Под этим Лакан подразумевает, что субъект не существует до своего собственного разделения. Субъект не появится, пока он не исчезнет. Это матрица, которая допускает много риторики. Мы могли бы продолжать её, умножая парадоксы. Но суть в том, что субъект — это разделение субъекта. Более того, моменты, в которых Фрейд отмечает голос Сверх-Я, — это всегда моменты затмения субъекта.
Ceci était pour vous justifier rapidement que le surmoi peut s'écrire $. Mais, deuxièmement, le surmoi ne demande qu'à s'écrire aussi bien S1, puisqu'il s'agit toujours d'un énoncé qui s'impose au sujet, qui lui dicte, volens nolens, sa conduite. C'est même ce qui explique la fascination toute spéciale pour le surmoi qu'il y a eue dans le milieu analytique au moment où Freud l'a introduit. En effet, puisqu'il y a dans l'économie subjective un point à partir duquel on peut gouverner le sujet, l'ambition des analyste – et c'est là qu'ils ont trahi ce qui chez eux était le désir d'être le maître – a été alors d'occuper cette place. Une cure comporte évidemment une direction, et ils ont entendu assurer cette direction à partir de la position du surmoi comme S1, comme signifiant maître. Ils ont entendu agir à partir de ce poste-là.
Это было сделано для того, чтобы быстро объяснить вам, что Сверх-Я можно записать как $. Но, во-вторых, требуется, чтобы Сверх-Я было записано как S1, поскольку это всегда вопрос высказывания как такового (énoncé), которое навязывает себя субъекту, которое диктует ему, volens nolens, его поведение. Это даже то, что объясняет особое очарование Сверх-Я, которое у него было в аналитической среде в то время, когда его ввел Фрейд. В самом деле, поскольку в субъективной экономике есть точка, из которой можно управлять субъектом, амбиции аналитиков — и именно там они предали то, что для них было желанием быть господином, — заключались в том, чтобы занять это место. Лечение, очевидно, подразумевает направление, и они намеревались обеспечить это направление с позиции Сверх-Я как S1, господствующего означающего. Они поняли, как действовать из этого места.
Ce que j'ai ajouté à ce séminaire de la Rencontre – je n'ai même mis l'accent que sur ce point-là – c'est que, troisièmement, le surmoi a bien des traits que Lacan a repérés avec son signifiant binaire, le signifiant du savoir. Il faut bien voir que chez Freud et les postfreudiens qui ont utilisés la catégorie du surmoi, le surmoi est toujours articulé. Ca le distingue précisément de tout ce qui est de l'ordre de la marque pure, de tout ce qui est de l'ordre du trait d'identification, qui est au contraire un signifiant dépareillé. Le surmoi est toujours le fait de signifiants appareillés et, à proprement parler, d'énoncés. Or, ce qui peut nous conduire à repérer le surmoi comme S2 dans certaines de ses phases, c'est précisément le point qui le distingue du signifiant unaire, à savoir qu'il ne représente pas le sujet. Le signifiant S1, tel que Lacan l'utilise dans son petit algèbre, représente le sujet. Il ne le représente jamais que pour un autre signifiant qui, lui, ne représente pas le sujet, et qui, à cet égard, est un signifiant inepte, un signifiant qui n'est pas subjectivé. C'est ce que comporte la reprise par Lacan de la formule saussurienne. Le signifiant ne vaut que pour les autres signifiants, c'est-à-dire que le signifiant n'existe que de manière différentielle ou diacritique. C'est là le fondement, le b-a-ba de l'intuition de Saussure concernant la langue, et dont Lacan a monté le schéma d'une autre façon, en marquant que le signifiant 1 ne vaut que pour un autre, ce qui recoupe sa formule du signifiant qui représente le sujet pour un autre signifiant. Eh bien, je propose que le surmoi, par l'une de ses phases, est toujours l'autre signifiant, un signifiant qui comme tel n'est pas subjectivé ni dialectisé.
Я бы добавил к этому семинару Встречи — я бы даже поставил акцент на этом моменте — что, в-третьих, Сверх-Я имеет много черт, которые Лакан отмечал в его бинарном означающем, означающем знания. Следует заметить, что у Фрейда и постфрейдистов, использовавших категорию Сверх-Я, Сверх-Я всегда артикулировалось. Это как раз отличает его от всего, что относится к порядку чистой отметки, от всего, что относится к порядку черты идентификации, которая, напротив, является означающим без пары (un signifiant dépareillé). Сверх-Я — это всегда дело парных означающих и, собственно говоря, высказываний. Итак, что может привести нас к обнаружению Сверх-Я как S2 в некоторых его фазах, так это то, что отличает его от унарного означающего, а именно то, что оно не представляет субъекта. Означающее S1, в том виде, в котором Лакан использует его в своей маленькой алгебре, представляет субъекта. Оно никогда не представляет его, за исключением другого означающего, которое, со своей стороны, не представляет субъекта и которое в этом отношении является глупым означающим (un signifiant inepte), означающим, которое не субъективировано. Это влечет за собой возобновление Лаканом формулы Соссюра. Означающее обретает ценность лишь для других означающих, то есть означающее существует только в дифференциальном или диакритическом смысле. Это основа b-a-ba — интуиции Соссюра относительно языка, и Лакан построил схему иначе, отметив, что означающее 1 обретает ценность лишь для другого означающего, которая пересекается с его формулой означающего, которое представляет субъект для другого означающего. Что ж, я предполагаю, что Сверх-Я в одной из своих фаз всегда является другим означающим — означающим, которое как таковое не является ни субъективным, ни диалектизованным.
C'est d'ailleurs au plus près de ce que Freud en dit. Evidemment, ça le conduit à des élucubrations sur l'héritage génétique du surmoi. Il est tellement sensible à ce que peut comporter d'inerte, de figé, de non dialectisé la parole de l'analysant - pas toute mais ce qu'elle peut comporter de cet ordre - qu'il est conduit, de par ses références théoriques, à imaginer un surmoi génétique. Ca ne fait que nous inviter à y voir l'autre signifiant, le S2, dont l'inertie vient de ce qu'il ne représente pas le sujet.
Le résultat de repérer le surmoi sur ce signifiant binaire, c'est de rapprocher le surmoi et le refoulement originaire. Ca ne paraît pas habituel que le surmoi et le refoulement originaire puissent être rapprochés, mais je le maintiens. Je persiste et je signe. Je vous renvoie à Freud et à ce qu'en souligne Lacan dans le Séminaire des Psychoses, à savoir qu'il n'y a pas, à proprement parler, selon Freud, de refoulement avant le déclin du complexe d'Œdipe. C'est même une thèse classique. Vous voyez bien que, même à l'aveugle, on est conduit à rapprocher le surmoi du refoulement originaire. En effet, le surmoi freudien classique n'émerge qu'au déclin du complexe d'Œdipe, et il y a donc une solidarité du surmoi et du refoulement originaire.
Результатом обнаружения Сверх-Я в этом бинарном означающем является приравнивание Сверх-Я к первоначальному вытеснению (refoulement originaire). Кажется необычным, что Сверх-Я и первоначальное вытеснение могут приравниваться друг к другу, но я поддерживаю это. Я настаиваю и подписываю. Я отсылаю вас к Фрейду и к тому, что Лакан подчеркивает в Семинаре «Психозы», а именно, что, строго говоря, согласно Фрейду, до угасания Эдипова комплекса не существовало вытеснения. Это классический тезис.
C'est là que se coincent ensemble ce développement sur le surmoi et ce que j'ai par ailleurs apporté à propos de la clinique du début de l'analyse. Avant d'en venir au quatrièmement, à savoir au surmoi comme objet a, je voudrais marquer que ce que je dis là sur le surmoi a le plus grand rapport avec la clinique du début de l'analyse.
Прежде, чем перейти к четвертому, а именно к Сверх-Я как объекту а, я хотел бы указать, что сказанное здесь мной о Сверх-Я, имеет наибольшую связь с клиникой начала анализа.
Cette clinique du début de l'analyse, il m'a semblé qu'elle pouvait se construire assez facilement à partir de l'articulation de Lacan concernant la fin de l'analyse, et que, si la fin de l'analyse touchait au fantasme – au fantasme fondamental, pas à la fantaisie, pas à l'imagination –, ça paraissait impliquer que le début de la cure touche au symptôme. Ca touche au symptôme, et ça y touche d'une façon qui, curieusement, n'est pas une ouverture du symptôme mais plutôt sa fermeture. C'est même ce que formule Freud à propos de Dora: l'entrée en analyse conforte une mise en forme du symptôme. C'est ce que j'ai essayé de préciser. J'ai essayé de préciser cette mise en forme du symptôme à partir de l'entrée en analyse. Ca boucle le circuit de ce message que constitue en lui-même le symptôme freudien.
Si le symptôme paraît repérable par ses effets cliniques, c'est du fait du virage qu'y introduit l'inclusion de l'analyste. Il y a un certain nombre d'effets cliniques repérables qui tiennent à la prise du symptôme dans le dispositif analytique. C'est même ce que Freud a appelé la Ubertragungsbedeutung, la signification de transfert. Cette signification de transfert, c'est cette nouvelle signification du symptôme du fait de l'entrée en analyse. Ca se comprend d'ailleurs immédiatement, puisque aller déposer le symptôme en analyse au lieu de vivre avec, c'est-à-dire payer pour ce symptôme autrement que par la souffrance, ça en change tout à fait le fonctionnement et la valeur signifiante. Quel est le nom de cette signification de transfert chez Lacan? Son nom, c'est le sujet supposé savoir. Le sujet supposé savoir, c'est une signification. J'ai déjà souligné ce fait, qui figure en toutes lettres dans la Proposition de 1967. Le sujet supposé savoir est un effet de pure signification.
Ca me conduirait même – surtout que cela m'a été confirmé par l'exposé de Rosine Lefort lors de la Rencontre – à parler de la métaphore du transfert. Je m'appuie là sur ce que Rosine Lefort a pu en dire, parce qu'elle a évidemment l'avantage de traiter des enfants où le transfert n'est pas préalable à l'entrée en analyse. C'est ce qui différencie la prise dans le dispositif analytique de l'enfant débile ou psychotique, de l'entrée en analyse de ces beaux adultes qui nous viennent. Ces adultes, ils viennent comme conséquences d'un transfert déjà commencé. D'où le rôle des médias, le rôle de la connaissance vulgaire de la psychanalyse. On peut trouver tout à fait excessif que ce magazine qui s'appelle L'Ane – auquel, après avoir contribué à l'inventer et à le faire, je n'ai pas le temps de collaborer - on peut trouver excessif que ce magazine mette en première page la trombine de douze journalistes spécialistes de psychanalyse. Ils ont pourtant tout à fait leur rôle dans la psychanalyse. Évidemment, à lire certaines de leurs déclarations, les bras nous en tombent. Mais, pris globalement, ils ont leur rôle. Je veux dire qu'ils sont d'une compétence très différente. Catherine Clément connaît bien Lacan depuis une quinzaine d'années, et je ne mets pas sur le même plan la connaissance qu'elle en a et d'autres connaissances qui sont par ouïe-dire et un peu plus légères. Mais disons que collectivement, ils sont à l'occasion ceux qui contribuent à activer le transfert préalable à la psychanalyse.
L'avantage, avec les enfants psychotiques ou débiles, c'est donc qu'ils n'ont pas lu ces journalistes-là. Ca fait que Rosine Lefort pouvait témoigner de l'émergence même du transfert, alors que dans une analyse d'adulte, ça apparaît toujours préalable, à reconstruire. Cette reconstruction est d'ailleurs, à l'occasion, tout à fait féconde. Rosine Lefort pouvait dire que c'est au moment où un signifiant s'est substitué à un autre dans le dit de l'enfant que le transfert a commencé. Il s'agit là d'une substitution signifiante: la substitution de loup à madame. Autrement dit, Rosine Lefort nous donnait en résumé, en concentré, l'émergence de ce que Lacan appelle le signifiant du transfert. Je dirai que nous avons là un effet métaphorique du transfert, l'effet métaphorique initial de transfert, et qui a comme effet de signification le sujet supposé savoir.
Je suis resté là un peu embarrassé entre sens et signification du transfert. Admettons que le transfert soit de pure signification avec le sujet supposé savoir. Comment alors se joue ce signifié entre signification et sens? C'est une opposition qui me paraît féconde. Que le transfert soit une signification, c'est ce que tout le monde a toujours su. C'est la signification dans laquelle vit l'analysant. Par contre, on pourrait dire que le sens du transfert est ce qui n'émerge qu'à la fin d'une analyse. C'est ce qu'on a baptisé liquidation du transfert. Ce qui différencie ici la signification et le sens du transfert, c'est que, dans une signification, on y palpite, on vit dedans, on s'y émeut, et que finalement on s'y retrouve. Par contre, lorsque le sens émerge, il n'émerge précisément que comme non-sens. C'est ce qui différencie la catégorie de la signification de celle du sens. Le comble du sens, c'est le non-sens. Le comble de la signification, ce n'est pas la non-signification. La signification, on marche dedans, on respire dedans, au sens où saint Augustin parlait du Bon Dieu: on vit, on respire, on marche, on parle dedans. A cet égard, je dirai que dans la métaphore transférentielle, le sujet supposé savoir occupe la place de l'effet de signification, et que la trajectoire de l'analyse consiste dans le remplacement de cet effet de signification par le hors-de-sens de l'objet a.
C'est un grand avantage de dire les choses comme ça pour s'y retrouver dans Lacan. En effet, il y a une difficulté à traduire le mot allemand de Bedeutung. C'est un mot auquel Frege a donné sa valeur dans son texte intitulé Sinn und Bedeutung. En français, Bedeutung peut se traduire par signification ou par référence. On a employé les deux termes et cette ambiguïté est pour nous féconde, dans la mesure où nous pouvons dire alors que le sujet supposé savoir est signification, et qu'à la même place se trouve substitué, dans le cours de l'analyse, ce qui est la référence par excellence de la parole, à savoir l'objet a. C'est d'ailleurs ce que Lacan a souligné sur la Bedeutung: l'objet a est en définitive la référence dans le discours analytique, la seule. La seule référence, c'est la cause du désir. On passe donc de la Bedeutung comme signification à la Bedeutung comme référence, du sujet supposé savoir comme signification à la Bedeutung référentielle de l'objet a.
J'ai mis l'accent, au début de ce cours, sur ce que représentait, comme émergence dans l'enseignement de Lacan, le fait de poser que le désir est incompatible avec la parole. Quand on retient seulement que l'inconscient est structuré comme un langage, on a évidemment du mal à s'imaginer que la conséquence que Lacan en tire, c'est que le désir est incompatible avec la parole. J'ai bien marqué le point de franchissement que constitue cet énoncé dans Lacan, spécialement dans le texte qui s'appelle "La direction de la cure". Ce que Lacan, ensuite, a formalisé comme objet a, c'est l'incompatibilité du désir avec la parole. C'est pour cela que, contrairement à ses trois autres mathèmes, il a donné à celui-ci une figure tout à fait différente, qui n'est pas une variation de S. Ca complète évidemment que le désir est une métonymie, parce que se contenter de dire que le désir est une métonymie, ça n'implique pas que le désir est incompatible avec la parole. Il faut là, pour formaliser l'incompatibilité comme objet a, quelque chose que je n'appellerai pas un passage à la limite mais un changement de repérage, de dimension.
Le savoir comme S2, je dirai qu'il est en jeu au début de l'expérience analytique. L'avantage de repérer le surmoi sur S2, c'est qu'on se rend compte en quel sens le sujet supposé savoir constitue une transformation du savoir inerte des signifiants. Ce qui change avec l'entrée en analyse, c'est justement que quelqu'un soit substitué à personne. Le savoir comme surmoi, c'est le savoir de personne. Ce qui s'introduit avec le sujet supposé savoir, c'est que ça devient le savoir de quelqu'un. Pour cela, il suffit de l'appel du transfert, appel qui ne vient pas forcément de quelqu'un, qui peut venir de quelque chose, qui vient de ce que Lacan appelle le signifiant quelconque. Cette émergence transférentielle de départ, c'est ce qui est n'importe quoi, mais elle a pour conséquence de faire supposer un sujet au savoir, d'introduire le sujet dans le savoir désubjectivé que Freud appelle le surmoi. La transformation du début de l'analyse, c'est de passer de S2 au sujet supposé savoir:
Трансформация начала анализа — это переход S2 к субъекту предположительно знающему:
S2 → S S S
Le savoir de personne, pour ce qui est du surmoi, ce n'est pas le savoir du père ou de la mère. C'est le savoir des grands-parents et des grands-parents des grands-parents, de toute la lignée. A travers ce surmoi, c'est aussi le père qui sonne. Je vais d'ailleurs y venir au père qui sonne, puisque c'est ce que l'on peut trouver de plus proche, selon Lacan lui-même, pour se représenter le surmoi: le son du père.
Ce changement dans le début de l'analyse, je vais vous l'incarner. Puisque nous voulons faire de la clinique, c'est-à-dire aussi bien de la phénoménologie clinique, j'espère vous rendre sensible qu'il n'y a pas là d'opposition entre les mathèmes et la clinique. Cette transformation dans le début de cure, elle se traduit comment? Par ce qui est palpable d'un changement de l'énonciation. Le changement de l'énonciation tient à la transformation du savoir en sujet supposé savoir, à la réintroduction de la supposition du sujet dans le savoir. Ce que je crois pouvoir souligner dans ce que l'on appelle la période de début de l'analyse, c'est le décrochage où l'énonciation apparaît comme telle. Par exemple, un sujet, qui jusqu'alors s'est tenu absorbé et éclipsé dans l'énoncé surmoïque, qui jusqu'alors s'est confondu avec cet énoncé toute son existence, à un moment se trouve capable de dire: Je dis qu'il faut toujours finir ce qu'on a commencé. Je dis qu'il faut toujours être propre et net. Je dis que quand on veut, on peut. Lui-même dit que - Je dis que. Il le dit lui-même. C'est ça ce qu'il apporte. Il rallonge d'un je dis que ce qui fait visiblement le fond de l'enseignement qu'il a à transmettre à ses enfants. Il a tarabusté toute leur existence avec ses injonctions. Il s'est aussi tarabusté lui-même, bien sûr, et il avait été également – c'est sensible – tarabusté par son père. Qu'est-ce qui se produit-là et qui est transférentiel? C'est seulement ce je dis que, par quoi il se sépare de ce savoir. C'est là que, de façon massive, l'énonciation apparaît. Ce savoir impersonnel – Il faut toujours finir ce qu'on a commencé, il faut être propre et net, etc – se trouve brusquement réinclus comme la parole d'un sujet – ce qui est aussi bien une erreur, puisque cette parole n'est pas la sienne.
Ceci nous montre de quoi il s'agit exactement quand Lacan, au début de L'Etourdit, écrit ceci, qui est resté plutôt opaque pour les lecteurs: "Qu'on dise reste oublié derrière ce qui se dit dans ce qui s'entend." Lacan parle là de ce qui est proprement le surmoi freudien, de cette voix de nulle part qu'est le surmoi freudien. Qu'est-ce que c'est d'autre, le surmoi? - sinon que, dans ce qui s'entend, oublier qu'on dise, pour ne plus entendre que ce qui se dit. C'est ça qui fait l'impératif surmoïque. Ce qui est constitutif de l'impératif surmoïque, c'est que qu'on dise reste oublié derrière ce qui se dit dans ce qui s'entend. C'est pour cela que c'est la voix qui est au premier plan dans le surmoi.
Это показывает нам, что в точности означает, когда Лакан в начале «L'Étourdit» пишет: «То, что говорят остается позабытым позади того, что говорится, в том, что слышится», оставшееся довольно непрозрачным для читателей. Лакан говорит здесь о том, что собственно является фрейдовским Сверх-Я, о том голосе из ниоткуда, который является фрейдовским Сверх-Я. Чем может быть Сверх-Я, как не позабыть то, что говорится в том, что слышится, чтобы больше не слышать то, что сказано? Именно это составляет императив Сверх-Я (impératif surmoïque). Это «то, что говорят остается позабытым позади того, что говорится, в том, что слышится» является конститутивным для Сверх-Я. Вот почему именно голос находится в Сверх-Я на первом плане.
Je peux, après tout, essayer de transcrire ça. Le qu'on dise, transcrivons-le avec un E, le E de l'énonciation. Le ce qui se dit, transcrivons-le avec le petit e de l'énoncé. Ensuite, nous avons ce qui s'entend, l'entendre, que nous transcrivons avec un epsilon:
В конце концов, я могу попытаться это записать. То, что говорят, давайте обозначим через Е, Е акта высказывания (énonciation). То, что говорится, высказывание как таковое (énoncé), обозначим через строчную букву е. Затем у нас есть то, что слышится, слышно, которое мы обозначим через эпсилон: