Жак-Ален Миллер , курс 1981-1982 гг
Скандирования в учении Лакана // Диалектика желания и фиксированность фантазма
11 сеанс, 24 февраля 1982

Жак-Ален Миллер , курс 1981-1982 гг
Скандирования в учении Лакана // Диалектика желания и фиксированность фантазма
11 сеанс, 24 февраля 1982
La tenue de la Rencontre internationale n'a pas été sans réorienter un tant soit peu le cours de mes pensées. Ce n'est pas que j'abandonne le dessein qui est le mien cette année, mais que les prises de parole et les interventions ont eu en elles-mêmes une incidence propre. Par exemple, j'ai bien été forcé de quitter le style de ce cours, pour faire, comme tout le monde, une intervention d'un vingtaine de minutes sur un sujet clinique. Je l'ai faite sur la clinique du début de la cure, en partant de la considération que si Lacan avait donné, d'une façon à la fois précise, allusive et très économe, une clinique-type de la fin de l'analyse, qui a pour centre la traversée du fantasme, il ne l'avait pas donnée pour le début de la cure, même s'il en a posé le fondement avec le sujet supposé savoir.

Je m'en suis donc tenu, en faisant une intervention clinique, à la formule définie pour cette Rencontre. J'ai été aussi amené à improviser une intervention devant un groupe plus restreint, dans un séminaire qui s'est tenu après cette Rencontre, sur un sujet qui avait été abordé mercredi dernier et qui portait sur la question de la voix. Voilà donc les deux interventions qui ont un peu réorienté le cours de mes pensées, et c'est, si vous le voulez bien, ce dont je vais plutôt vous parler aujourd'hui.

Cette affaire de voix, de l'objet voix, est un des points qui sont en réserve dans l'enseignement de Lacan. C'est un point sur lequel on trouve beaucoup moins de données et d'articulations que pour les autres objets freudiens et pour l'objet lacanien qu'est le regard. Il y a donc là une partie qui apparaît comme à élaborer, une partie dont le cadre est fixé déjà dans l'enseignement de Lacan mais qui reste non développée. Ca reste donc pour nous une difficulté, et spécialement pour cette affaire de surmoi qui occupe la Section clinique cette année. Cette difficulté, je la connais bien, puisque, il y a quatre ou cinq ans, j'avais consacré du temps à cette affaire, mais sans boucler les choses. Je ne pense pas d'ailleurs pouvoir le faire davantage aujourd'hui, sinon, tout de même, rassembler les pensées qui peuvent y toucher.

Si je prends le terme de surmoi, il faut évidemment que je répète la mise en garde que j'ai faite lors de la Rencontre, à savoir qu'il est vain de penser que l'on puisse superposer les concepts de Freud et les mathèmes de Lacan. Les mathèmes de Lacan ne sont pas une pure et simple transcription terme à terme des concepts de Freud. Les concepts de Freud se trouvent, entre les mathèmes de Lacan, répartis d'une autre façon. Ils se trouvent éclatés entre ces mathèmes. Par là, des groupements nouveaux sont opérés, et les mathèmes remplacent, dans un certain sens, les concepts de Freud. Ce mouvement est tout à fait sensible dans le décours de l'enseignement de Lacan. Nous assistons à la substitution progressive de ces mathèmes aux concepts de départ de Freud - ce qui n'empêche évidemment pas de réinclure ces concepts de Freud, qui se mettent à surgir par un aspect ou par un autre dans le cours de cet enseignement, mais sans que jamais on puisse les faire strictement s'équivaloir aux mathèmes.

Обращаясь к термину Сверх-Я, следует повторить предупреждение, которое я сделал во время Встречи, а именно: не стоит думать, что можно наложить концепции Фрейда на матемы Лакана. Матемы Лакана не являются в чистом виде и просто терминологической транскрипцией понятий Фрейда. В лакановских матемах понятия Фрейда распределяются иначе. Они оказываются разделенными между этими матемами. Таким образом они группируются по-новому и матемы в некотором смысле заменяют понятия Фрейда. Это движение бесспорно ощутимо на исходе учения Лакана. Мы являемся свидетелями постепенной замены первоначальных понятий Фрейда этими матемами, что, очевидно, не препятствует реинтеграции понятий Фрейда, которые начинают проявляться в том или ином аспекте в ходе этого учения, но без возможности стать строго эквивалентными матемам.

Rien ne rend plus sensible ce décalage entre les concepts freudiens et les mathèmes lacaniens que cette catégorie du surmoi. Ce n'est d'ailleurs pas par un seul des mathèmes de Lacan que ce surmoi freudien peut être épuisé. Lors de ce séminaire de la Rencontre, je crois que j'ai un peu surpris l'assistance en marquant que je pensais qu'il était utile de repérer le surmoi sur le S2 de Lacan. Je n'ai évidemment pas l'idée de résumer avec ça le surmoi freudien, et je vais donc d'abord vous montrer comment on peut le répartir sur quatre mathèmes fondamentaux de Lacan.

Ничто не делает это расхождение между фрейдовскими концепциями и лакановскими матемами настолько ощутимым, как эта категория Сверх-Я. Более того, фрейдовское Сверх-Я не исчерпывается одной лишь матемой Лакана. Я считаю, что во время этой Встречи я немного удивил аудиторию, отметив, что, по моему мнению, было бы целесообразно обнаружить Сверх-Я в S2 Лакана. У меня, очевидно, нет идеи резюмировать этим фрейдовское Сверх-Я, и поэтому я сначала покажу вам, как оно может быть распределено по четырем основным матемам Лакана.

Premièrement, le surmoi, dans son usage freudien, c'est le nom le plus proche de la division du sujet au sens de Lacan. C'est quand les freudiens et les postfreudiens rencontraient les phénomènes cliniques qui relèvent de ce que Lacan isolera plus tard comme la division du sujet, qu'ils mettaient en cause et en fonction le surmoi. C'est même ce qui explique cette surprenante conjonction signalée par Freud entre le surmoi et le ça. Cette complicité du ça et du surmoi, on a évidemment beaucoup de mal à en rendre compte lorsqu'on s'imagine que le surmoi est une fonction morale et que le ça est le repère des instincts qui conduisent spécialement à l'immoralité. Ca fait un paradoxe que d'imaginer bras dessus bras dessous le juge et le délinquant. Bien que ce paradoxe s'étale de toutes les manières possibles dans notre société, ça fait une difficulté que de s'imaginer cette complicité. Or, elle s'évanouit si on admet que ce que ces instances essayent de cerner dans l'expérience, c'est l'hétéronomie du sujet, et qu'elles qualifient ce qui dans l'économie subjective ne travaille pas pour le bien du sujet mais contre ce bien, de telle façon que le surmoi soit en même temps un contre-moi. C'est même comme ça que son scandale émerge dans l'expérience: en moi et contre moi.

Во-первых, Сверх-Я в его фрейдовском использовании — это название, наиболее близкое к разделению субъекта в лакановском смысле. Когда фрейдисты и постфрейдисты столкнулись с клиническими феноменами, относящимися к тому, что Лакан позже выделил как разделение субъекта, они поставили под вопрос Сверх-Я и его функцию. Это даже объясняет это удивительное соединение (conjonction) между Сверх-Я и Оно, указанное Фрейдом. Этот тайный сговор Оно и Сверх-Я мы, очевидно, осознаем, хоть и с большим трудом, когда представляем Сверх-Я как функцию морали, а Оно — ориентир влечений, особенно тех, что ведут к безнравственности. Судья и правонарушитель идущие рука об руку — парадоксальная картина. Хотя этот парадокс распространен в нашем обществе во всех возможных вариациях, трудно представить себе это соучастие.

C'est ce qui, entre parenthèses, marque bien la dérive qui est constitutive de l'egopsychology, à savoir d'essayer de fonder l'autonomie du moi, ce qui implique – je l'ai déjà souligné – la mise au rancart de la catégorie du surmoi. Dans tout ce qui est l'egopsychology, dans tout ce qui est la psychanalyse anglo-saxonne telle que ses bases ont été posées par Kris, Hartmann et Loewenstein, spécialement après la guerre, et qui ont donné à Lacan le départ de sa critique et de son enseignement, – dans toute cette egopsychology, qui est une interprétation de l'oeuvre de Freud, on peut dire que le surmoi est au rancart et n'a fait l'objet que d'une petite note de rattrapage de Hartmann et Loewenstein en 1962, qui a été publiée en français dans la Revue française de psychanalyse, sous le titre de Note sur le surmoi.

Le surmoi intervient proprement dans l'expérience au moment où devient patente la division du sujet. Une des écritures du surmoi freudien, c'est le $ du sujet divisé, ce $ que Lacan a introduit comme une écriture du sujet à propos du fantasme Un enfant est battu. Ce fantasme, qui est le paradigme des relations du sujet avec le surmoi, se traduit évidemment par Un sujet est barré. C'est là la formule générale du fantasme. C'est ce qu'introduit Lacan avec ce sujet qui n'existe jamais qu'avec la barre. Ce n'est pas qu'il y ait un sujet et qu'ensuite il soit divisé. Ce que Lacan veut dire par là, c'est que le sujet n'a pas d'existence préalable à sa propre division. Le sujet n'apparaît qu'au moment où il disparaît. C'est là une matrice qui permettrait énormément de rhétorique. On pourrait continuer là-dessus en multipliant les paradoxes. Mais le noyau, c'est que le sujet est la division du sujet. D'ailleurs, les moments où Freud repère la voix du surmoi, sont toujours des moments qui sont d'éclipse du sujet.

Вмешательство Сверх-Я в опыт происходит, собственно, в тот момент, когда разделение субъекта становится очевидным. Одно из написанного фрейдовским Сверх-Я — это книга о разделенном субъекте, $ которое Лакан представил как запись субъекта о фантазме «Ребенка бьют». Этот являющийся парадигмой отношений субъекта со Сверх-Я фантазм, очевидно, приводит к «Субъект перечернут». Это общая формула фантазма. Это то, что Лакан вводит с этим субъектом, который не существует никак, кроме как перечеркнутым. Дело не в том, что имеется субъект, а затем он разделен. Под этим Лакан подразумевает, что субъект не существует до своего собственного разделения. Субъект не появится, пока он не исчезнет. Это матрица, которая допускает много риторики. Мы могли бы продолжать её, умножая парадоксы. Но суть в том, что субъект — это разделение субъекта. Более того, моменты, в которых Фрейд отмечает голос Сверх-Я, — это всегда моменты затмения субъекта.

Ceci était pour vous justifier rapidement que le surmoi peut s'écrire $. Mais, deuxièmement, le surmoi ne demande qu'à s'écrire aussi bien S1, puisqu'il s'agit toujours d'un énoncé qui s'impose au sujet, qui lui dicte, volens nolens, sa conduite. C'est même ce qui explique la fascination toute spéciale pour le surmoi qu'il y a eue dans le milieu analytique au moment où Freud l'a introduit. En effet, puisqu'il y a dans l'économie subjective un point à partir duquel on peut gouverner le sujet, l'ambition des analyste – et c'est là qu'ils ont trahi ce qui chez eux était le désir d'être le maître – a été alors d'occuper cette place. Une cure comporte évidemment une direction, et ils ont entendu assurer cette direction à partir de la position du surmoi comme S1, comme signifiant maître. Ils ont entendu agir à partir de ce poste-là.

Это было сделано для того, чтобы быстро объяснить вам, что Сверх-Я можно записать как $. Но, во-вторых, требуется, чтобы Сверх-Я было записано как S1, поскольку это всегда вопрос высказывания как такового (énoncé), которое навязывает себя субъекту, которое диктует ему, volens nolens, его поведение. Это даже то, что объясняет особое очарование Сверх-Я, которое у него было в аналитической среде в то время, когда его ввел Фрейд. В самом деле, поскольку в субъективной экономике есть точка, из которой можно управлять субъектом, амбиции аналитиков — и именно там они предали то, что для них было желанием быть господином, — заключались в том, чтобы занять это место. Лечение, очевидно, подразумевает направление, и они намеревались обеспечить это направление с позиции Сверх-Я как S1, господствующего означающего. Они поняли, как действовать из этого места.

Ce que j'ai ajouté à ce séminaire de la Rencontre – je n'ai même mis l'accent que sur ce point-là – c'est que, troisièmement, le surmoi a bien des traits que Lacan a repérés avec son signifiant binaire, le signifiant du savoir. Il faut bien voir que chez Freud et les postfreudiens qui ont utilisés la catégorie du surmoi, le surmoi est toujours articulé. Ca le distingue précisément de tout ce qui est de l'ordre de la marque pure, de tout ce qui est de l'ordre du trait d'identification, qui est au contraire un signifiant dépareillé. Le surmoi est toujours le fait de signifiants appareillés et, à proprement parler, d'énoncés. Or, ce qui peut nous conduire à repérer le surmoi comme S2 dans certaines de ses phases, c'est précisément le point qui le distingue du signifiant unaire, à savoir qu'il ne représente pas le sujet. Le signifiant S1, tel que Lacan l'utilise dans son petit algèbre, représente le sujet. Il ne le représente jamais que pour un autre signifiant qui, lui, ne représente pas le sujet, et qui, à cet égard, est un signifiant inepte, un signifiant qui n'est pas subjectivé. C'est ce que comporte la reprise par Lacan de la formule saussurienne. Le signifiant ne vaut que pour les autres signifiants, c'est-à-dire que le signifiant n'existe que de manière différentielle ou diacritique. C'est là le fondement, le b-a-ba de l'intuition de Saussure concernant la langue, et dont Lacan a monté le schéma d'une autre façon, en marquant que le signifiant 1 ne vaut que pour un autre, ce qui recoupe sa formule du signifiant qui représente le sujet pour un autre signifiant. Eh bien, je propose que le surmoi, par l'une de ses phases, est toujours l'autre signifiant, un signifiant qui comme tel n'est pas subjectivé ni dialectisé.

Я бы добавил к этому семинару Встречи — я бы даже поставил акцент на этом моменте — что, в-третьих, Сверх-Я имеет много черт, которые Лакан отмечал в его бинарном означающем, означающем знания. Следует заметить, что у Фрейда и постфрейдистов, использовавших категорию Сверх-Я, Сверх-Я всегда артикулировалось. Это как раз отличает его от всего, что относится к порядку чистой отметки, от всего, что относится к порядку черты идентификации, которая, напротив, является означающим без пары (un signifiant dépareillé). Сверх-Я — это всегда дело парных означающих и, собственно говоря, высказываний. Итак, что может привести нас к обнаружению Сверх-Я как S2 в некоторых его фазах, так это то, что отличает его от унарного означающего, а именно то, что оно не представляет субъекта. Означающее S1, в том виде, в котором Лакан использует его в своей маленькой алгебре, представляет субъекта. Оно никогда не представляет его, за исключением другого означающего, которое, со своей стороны, не представляет субъекта и которое в этом отношении является глупым означающим (un signifiant inepte), означающим, которое не субъективировано. Это влечет за собой возобновление Лаканом формулы Соссюра. Означающее обретает ценность лишь для других означающих, то есть означающее существует только в дифференциальном или диакритическом смысле. Это основа b-a-ba — интуиции Соссюра относительно языка, и Лакан построил схему иначе, отметив, что означающее 1 обретает ценность лишь для другого означающего, которая пересекается с его формулой означающего, которое представляет субъект для другого означающего. Что ж, я предполагаю, что Сверх-Я в одной из своих фаз всегда является другим означающим — означающим, которое как таковое не является ни субъективным, ни диалектизованным.

C'est d'ailleurs au plus près de ce que Freud en dit. Evidemment, ça le conduit à des élucubrations sur l'héritage génétique du surmoi. Il est tellement sensible à ce que peut comporter d'inerte, de figé, de non dialectisé la parole de l'analysant - pas toute mais ce qu'elle peut comporter de cet ordre - qu'il est conduit, de par ses références théoriques, à imaginer un surmoi génétique. Ca ne fait que nous inviter à y voir l'autre signifiant, le S2, dont l'inertie vient de ce qu'il ne représente pas le sujet.

Le résultat de repérer le surmoi sur ce signifiant binaire, c'est de rapprocher le surmoi et le refoulement originaire. Ca ne paraît pas habituel que le surmoi et le refoulement originaire puissent être rapprochés, mais je le maintiens. Je persiste et je signe. Je vous renvoie à Freud et à ce qu'en souligne Lacan dans le Séminaire des Psychoses, à savoir qu'il n'y a pas, à proprement parler, selon Freud, de refoulement avant le déclin du complexe d'Œdipe. C'est même une thèse classique. Vous voyez bien que, même à l'aveugle, on est conduit à rapprocher le surmoi du refoulement originaire. En effet, le surmoi freudien classique n'émerge qu'au déclin du complexe d'Œdipe, et il y a donc une solidarité du surmoi et du refoulement originaire.

Результатом обнаружения Сверх-Я в этом бинарном означающем является приравнивание Сверх-Я к первоначальному вытеснению (refoulement originaire). Кажется необычным, что Сверх-Я и первоначальное вытеснение могут приравниваться друг к другу, но я поддерживаю это. Я настаиваю и подписываю. Я отсылаю вас к Фрейду и к тому, что Лакан подчеркивает в Семинаре «Психозы», а именно, что, строго говоря, согласно Фрейду, до угасания Эдипова комплекса не существовало вытеснения. Это классический тезис.

C'est là que se coincent ensemble ce développement sur le surmoi et ce que j'ai par ailleurs apporté à propos de la clinique du début de l'analyse. Avant d'en venir au quatrièmement, à savoir au surmoi comme objet a, je voudrais marquer que ce que je dis là sur le surmoi a le plus grand rapport avec la clinique du début de l'analyse.

Прежде, чем перейти к четвертому, а именно к Сверх-Я как объекту а, я хотел бы указать, что сказанное здесь мной о Сверх-Я, имеет наибольшую связь с клиникой начала анализа.

Cette clinique du début de l'analyse, il m'a semblé qu'elle pouvait se construire assez facilement à partir de l'articulation de Lacan concernant la fin de l'analyse, et que, si la fin de l'analyse touchait au fantasme – au fantasme fondamental, pas à la fantaisie, pas à l'imagination –, ça paraissait impliquer que le début de la cure touche au symptôme. Ca touche au symptôme, et ça y touche d'une façon qui, curieusement, n'est pas une ouverture du symptôme mais plutôt sa fermeture. C'est même ce que formule Freud à propos de Dora: l'entrée en analyse conforte une mise en forme du symptôme. C'est ce que j'ai essayé de préciser. J'ai essayé de préciser cette mise en forme du symptôme à partir de l'entrée en analyse. Ca boucle le circuit de ce message que constitue en lui-même le symptôme freudien.

Si le symptôme paraît repérable par ses effets cliniques, c'est du fait du virage qu'y introduit l'inclusion de l'analyste. Il y a un certain nombre d'effets cliniques repérables qui tiennent à la prise du symptôme dans le dispositif analytique. C'est même ce que Freud a appelé la Ubertragungsbedeutung, la signification de transfert. Cette signification de transfert, c'est cette nouvelle signification du symptôme du fait de l'entrée en analyse. Ca se comprend d'ailleurs immédiatement, puisque aller déposer le symptôme en analyse au lieu de vivre avec, c'est-à-dire payer pour ce symptôme autrement que par la souffrance, ça en change tout à fait le fonctionnement et la valeur signifiante. Quel est le nom de cette signification de transfert chez Lacan? Son nom, c'est le sujet supposé savoir. Le sujet supposé savoir, c'est une signification. J'ai déjà souligné ce fait, qui figure en toutes lettres dans la Proposition de 1967. Le sujet supposé savoir est un effet de pure signification.

Ca me conduirait même – surtout que cela m'a été confirmé par l'exposé de Rosine Lefort lors de la Rencontre – à parler de la métaphore du transfert. Je m'appuie là sur ce que Rosine Lefort a pu en dire, parce qu'elle a évidemment l'avantage de traiter des enfants où le transfert n'est pas préalable à l'entrée en analyse. C'est ce qui différencie la prise dans le dispositif analytique de l'enfant débile ou psychotique, de l'entrée en analyse de ces beaux adultes qui nous viennent. Ces adultes, ils viennent comme conséquences d'un transfert déjà commencé. D'où le rôle des médias, le rôle de la connaissance vulgaire de la psychanalyse. On peut trouver tout à fait excessif que ce magazine qui s'appelle L'Ane – auquel, après avoir contribué à l'inventer et à le faire, je n'ai pas le temps de collaborer - on peut trouver excessif que ce magazine mette en première page la trombine de douze journalistes spécialistes de psychanalyse. Ils ont pourtant tout à fait leur rôle dans la psychanalyse. Évidemment, à lire certaines de leurs déclarations, les bras nous en tombent. Mais, pris globalement, ils ont leur rôle. Je veux dire qu'ils sont d'une compétence très différente. Catherine Clément connaît bien Lacan depuis une quinzaine d'années, et je ne mets pas sur le même plan la connaissance qu'elle en a et d'autres connaissances qui sont par ouïe-dire et un peu plus légères. Mais disons que collectivement, ils sont à l'occasion ceux qui contribuent à activer le transfert préalable à la psychanalyse.

L'avantage, avec les enfants psychotiques ou débiles, c'est donc qu'ils n'ont pas lu ces journalistes-là. Ca fait que Rosine Lefort pouvait témoigner de l'émergence même du transfert, alors que dans une analyse d'adulte, ça apparaît toujours préalable, à reconstruire. Cette reconstruction est d'ailleurs, à l'occasion, tout à fait féconde. Rosine Lefort pouvait dire que c'est au moment où un signifiant s'est substitué à un autre dans le dit de l'enfant que le transfert a commencé. Il s'agit là d'une substitution signifiante: la substitution de loupmadame. Autrement dit, Rosine Lefort nous donnait en résumé, en concentré, l'émergence de ce que Lacan appelle le signifiant du transfert. Je dirai que nous avons là un effet métaphorique du transfert, l'effet métaphorique initial de transfert, et qui a comme effet de signification le sujet supposé savoir.

Je suis resté là un peu embarrassé entre sens et signification du transfert. Admettons que le transfert soit de pure signification avec le sujet supposé savoir. Comment alors se joue ce signifié entre signification et sens? C'est une opposition qui me paraît féconde. Que le transfert soit une signification, c'est ce que tout le monde a toujours su. C'est la signification dans laquelle vit l'analysant. Par contre, on pourrait dire que le sens du transfert est ce qui n'émerge qu'à la fin d'une analyse. C'est ce qu'on a baptisé liquidation du transfert. Ce qui différencie ici la signification et le sens du transfert, c'est que, dans une signification, on y palpite, on vit dedans, on s'y émeut, et que finalement on s'y retrouve. Par contre, lorsque le sens émerge, il n'émerge précisément que comme non-sens. C'est ce qui différencie la catégorie de la signification de celle du sens. Le comble du sens, c'est le non-sens. Le comble de la signification, ce n'est pas la non-signification. La signification, on marche dedans, on respire dedans, au sens où saint Augustin parlait du Bon Dieu: on vit, on respire, on marche, on parle dedans. A cet égard, je dirai que dans la métaphore transférentielle, le sujet supposé savoir occupe la place de l'effet de signification, et que la trajectoire de l'analyse consiste dans le remplacement de cet effet de signification par le hors-de-sens de l'objet a.

C'est un grand avantage de dire les choses comme ça pour s'y retrouver dans Lacan. En effet, il y a une difficulté à traduire le mot allemand de Bedeutung. C'est un mot auquel Frege a donné sa valeur dans son texte intitulé Sinn und Bedeutung. En français, Bedeutung peut se traduire par signification ou par référence. On a employé les deux termes et cette ambiguïté est pour nous féconde, dans la mesure où nous pouvons dire alors que le sujet supposé savoir est signification, et qu'à la même place se trouve substitué, dans le cours de l'analyse, ce qui est la référence par excellence de la parole, à savoir l'objet a. C'est d'ailleurs ce que Lacan a souligné sur la Bedeutung: l'objet a est en définitive la référence dans le discours analytique, la seule. La seule référence, c'est la cause du désir. On passe donc de la Bedeutung comme signification à la Bedeutung comme référence, du sujet supposé savoir comme signification à la Bedeutung référentielle de l'objet a.

J'ai mis l'accent, au début de ce cours, sur ce que représentait, comme émergence dans l'enseignement de Lacan, le fait de poser que le désir est incompatible avec la parole. Quand on retient seulement que l'inconscient est structuré comme un langage, on a évidemment du mal à s'imaginer que la conséquence que Lacan en tire, c'est que le désir est incompatible avec la parole. J'ai bien marqué le point de franchissement que constitue cet énoncé dans Lacan, spécialement dans le texte qui s'appelle "La direction de la cure". Ce que Lacan, ensuite, a formalisé comme objet a, c'est l'incompatibilité du désir avec la parole. C'est pour cela que, contrairement à ses trois autres mathèmes, il a donné à celui-ci une figure tout à fait différente, qui n'est pas une variation de S. Ca complète évidemment que le désir est une métonymie, parce que se contenter de dire que le désir est une métonymie, ça n'implique pas que le désir est incompatible avec la parole. Il faut là, pour formaliser l'incompatibilité comme objet a, quelque chose que je n'appellerai pas un passage à la limite mais un changement de repérage, de dimension.

Le savoir comme S2, je dirai qu'il est en jeu au début de l'expérience analytique. L'avantage de repérer le surmoi sur S2, c'est qu'on se rend compte en quel sens le sujet supposé savoir constitue une transformation du savoir inerte des signifiants. Ce qui change avec l'entrée en analyse, c'est justement que quelqu'un soit substitué à personne. Le savoir comme surmoi, c'est le savoir de personne. Ce qui s'introduit avec le sujet supposé savoir, c'est que ça devient le savoir de quelqu'un. Pour cela, il suffit de l'appel du transfert, appel qui ne vient pas forcément de quelqu'un, qui peut venir de quelque chose, qui vient de ce que Lacan appelle le signifiant quelconque. Cette émergence transférentielle de départ, c'est ce qui est n'importe quoi, mais elle a pour conséquence de faire supposer un sujet au savoir, d'introduire le sujet dans le savoir désubjectivé que Freud appelle le surmoi. La transformation du début de l'analyse, c'est de passer de S2 au sujet supposé savoir:

Трансформация начала анализа — это переход S2 к субъекту предположительно знающему:

S2 → S S S

Le savoir de personne, pour ce qui est du surmoi, ce n'est pas le savoir du père ou de la mère. C'est le savoir des grands-parents et des grands-parents des grands-parents, de toute la lignée. A travers ce surmoi, c'est aussi le père qui sonne. Je vais d'ailleurs y venir au père qui sonne, puisque c'est ce que l'on peut trouver de plus proche, selon Lacan lui-même, pour se représenter le surmoi: le son du père.

Ce changement dans le début de l'analyse, je vais vous l'incarner. Puisque nous voulons faire de la clinique, c'est-à-dire aussi bien de la phénoménologie clinique, j'espère vous rendre sensible qu'il n'y a pas là d'opposition entre les mathèmes et la clinique. Cette transformation dans le début de cure, elle se traduit comment? Par ce qui est palpable d'un changement de l'énonciation. Le changement de l'énonciation tient à la transformation du savoir en sujet supposé savoir, à la réintroduction de la supposition du sujet dans le savoir. Ce que je crois pouvoir souligner dans ce que l'on appelle la période de début de l'analyse, c'est le décrochage où l'énonciation apparaît comme telle. Par exemple, un sujet, qui jusqu'alors s'est tenu absorbé et éclipsé dans l'énoncé surmoïque, qui jusqu'alors s'est confondu avec cet énoncé toute son existence, à un moment se trouve capable de dire: Je dis qu'il faut toujours finir ce qu'on a commencé. Je dis qu'il faut toujours être propre et net. Je dis que quand on veut, on peut. Lui-même dit que - Je dis que. Il le dit lui-même. C'est ça ce qu'il apporte. Il rallonge d'un je dis que ce qui fait visiblement le fond de l'enseignement qu'il a à transmettre à ses enfants. Il a tarabusté toute leur existence avec ses injonctions. Il s'est aussi tarabusté lui-même, bien sûr, et il avait été également – c'est sensible – tarabusté par son père. Qu'est-ce qui se produit-là et qui est transférentiel? C'est seulement ce je dis que, par quoi il se sépare de ce savoir. C'est là que, de façon massive, l'énonciation apparaît. Ce savoir impersonnel – Il faut toujours finir ce qu'on a commencé, il faut être propre et net, etc – se trouve brusquement réinclus comme la parole d'un sujet – ce qui est aussi bien une erreur, puisque cette parole n'est pas la sienne.

Ceci nous montre de quoi il s'agit exactement quand Lacan, au début de L'Etourdit, écrit ceci, qui est resté plutôt opaque pour les lecteurs: "Qu'on dise reste oublié derrière ce qui se dit dans ce qui s'entend." Lacan parle là de ce qui est proprement le surmoi freudien, de cette voix de nulle part qu'est le surmoi freudien. Qu'est-ce que c'est d'autre, le surmoi? - sinon que, dans ce qui s'entend, oublier qu'on dise, pour ne plus entendre que ce qui se dit. C'est ça qui fait l'impératif surmoïque. Ce qui est constitutif de l'impératif surmoïque, c'est que qu'on dise reste oublié derrière ce qui se dit dans ce qui s'entend. C'est pour cela que c'est la voix qui est au premier plan dans le surmoi.

Это показывает нам, что в точности означает, когда Лакан в начале «L'Étourdit» пишет: «То, что говорят остается позабытым позади того, что говорится, в том, что слышится», оставшееся довольно непрозрачным для читателей. Лакан говорит здесь о том, что собственно является фрейдовским Сверх-Я, о том голосе из ниоткуда, который является фрейдовским Сверх-Я. Чем может быть Сверх-Я, как не позабыть то, что говорится в том, что слышится, чтобы больше не слышать то, что сказано? Именно это составляет императив Сверх-Я (impératif surmoïque). Это «то, что говорят остается позабытым позади того, что говорится, в том, что слышится» является конститутивным для Сверх-Я. Вот почему именно голос находится в Сверх-Я на первом плане.

Je peux, après tout, essayer de transcrire ça. Le qu'on dise, transcrivons-le avec un E, le E de l'énonciation. Le ce qui se dit, transcrivons-le avec le petit e de l'énoncé. Ensuite, nous avons ce qui s'entend, l'entendre, que nous transcrivons avec un epsilon:

В конце концов, я могу попытаться это записать. То, что говорят, давайте обозначим через Е, Е акта высказывания (énonciation). То, что говорится, высказывание как таковое (énoncé), обозначим через строчную букву е. Затем у нас есть то, что слышится, слышно, которое мы обозначим через эпсилон:

Eh bien, c'est à ça que touche le début de cure. Ca touche à ça, parce que, d'une façon ou d'une autre, en un point ou en un autre, ça fait apparaître qu'on dise, ça met en valeur le qu'on dise, ne serait-ce que parce que l'expérience analytique est l'invitation à venir dire. Le qu'on dise reste évidemment oublié dans tous nos usages quotidiens de la parole, et l'entrée même dans l'expérience analytique a pour effet de cerner la fonction de dire comme telle. C'est l'entrée dans l'expérience analytique qui fait émerger le parlêtre, celui qui ne parle pas pour dire quelque chose, qui ne parle pas pour ce qui se dit, celui qui parle pour parler.

Что ж, это то, что касается начала лечения. Это касается этого, потому что, так или иначе, в тот или иной момент, создается впечатление, что говорят (qu'on dise), он подчеркивает это «говорят», хотя бы потому, что аналитический опыт – это приглашение прийти и говорить. То, что говорят, очевидно, остается забытым во всех наших повседневных употреблениях речи, и само вхождение в аналитический опыт имеет эффект определения функции сказанного как такового. Это вход в аналитический опыт, который выявляет говорящее существо (parlêtre), как говорящее не для того, чтобы сказать что-нибудь, не говорит то, что говорится, а говорящее, чтобы говорить.

Il faut encore, là, différencier deux choses. Ce qu'il s'agit d'obtenir dans l'analyse, c'est que le sujet s'entende parler, ce qui est tout à fait différent de s'écouter parler. Le s'écouter parler, c'est le charme et les vertus du hâbleur. Ce qui est drôle, c'est que quand nous voulons dévaloriser dans notre langue le fait de parler, nous employons le hablar qui en espagnol signifie parler. Ca tient à un courant d'hostilité de la langue française à l'égard de la langue espagnole, à l'égard des Espagnols. C'est présent dès la constitution des langues nationales, à la fin du XVIIIe siècle. Il y a cette typologie des nations, et il y a là, inscrit dans notre langue, un courant d'hostilité vis-à-vis de la langue espagnole.

Le s'entendre parler n'est donc pas le s'écouter parler. Il y a un auto- érotisme du s'écouter parler et c'est de ça dont il s'agit de se séparer pour s'entendre parler. On appelle souvent ce décrochage de l'énonciation la prise de conscience. On s'imagine que c'est de l'ordre de la prise de conscience, mais ça n'a rien à faire avec ça, c'est une distanciation par rapport à l'énoncé. C'est le moment où le qu'on dise se met à apparaître.

Evidemment, dans cette phrase, on ne peut pas remplacer le qu'on dise par qu'il dise ou que je dise. Ca ne va pas de mettre le je. Pourquoi Lacan met-il le on ici? C'est que quand l'énonciation particulière du sujet émerge, elle émerge - et c'est ça qui est horrible – sous la forme de l'impersonnel. Quand le sujet dit précisément je dis que, ce qui se dit alors, c'est ce que dit tout le monde, c'est la voix de on qui émerge. Il ne faut pas s'imaginer – ça serait trop beau – qu'au moment où l'énonciation va émerger, on va entendre la musique absolument délicate d'une âme individielle et charmante. Pas du tout! On entend, au contraire, le il faut toujours être propre et net, etc. Au moment où ça émerge, ça émerge sous cette forme-là, et c'est ce qui justifie le qu'on dise, et non pas le que je dise. Ce serait trop beau que, sous prétexte que la vérité est toujours particulière dans la psychanalyse, on saisisse là l'exquise individualité. On ne saisit rien de tel. C'est, au contraire, ce que dans Télévision Lacan appelait le "cher on", un cher on qui se présente avec cette apparence de nullibiquité, c'est-à-dire d'être de nulle part.

C'est, aussi bien, ce que l'on rencontre dans le proverbe. On sait bien que le surmoi comme sagesse des nations, comme sédimentation des sagesses, s'est fait de l'oubli du qu'on dise. C'est cela qui définit au mieux le surmoi. A cet égard, il a potentiellement une fonction d'universel. C'est ce qui se recouvre très bien avec l'idée qu'ont eue les analystes, à savoir qu'il n'y aurait pas de surmoi chez les femmes. Il n'y aurait pas chez elles de surmoi parce qu'elles auraient une difficulté avec l'universel. Mais ce que je fais valoir ici, c'est le paradoxe que quand le sujet émerge, il émerge à la fois comme particulier et comme impersonnel. C'est très saisissant dans l'expérience.

De quoi s'agit-il avec ce dans ce qui s'entend ? C'est de ce dont il s'agit avec la fonction de la voix concernant le surmoi, et qu'on a le plus souvent prise comme la voix de la conscience. Ca nous permet d'en arriver au quatrième statut du surmoi, le surmoi comme voix. Pour que ce qui s'entend émerge comme tel, la première condition est que ce qui est dit, l'énoncé, se trouve annulé. La voix émerge comme telle quand ce qu'elle véhicule de contenu signifié se trouve allégé. Par exemple: Chez moi, j'entends des voix. Là, le j'entends des voix veut dire que je ne comprends pas ce qu'elles disent. C'est bien pour ça que si je les comprenais, je pourrais les écouter. Ca me renseignerait sur ce qui se trame d'absolument épique dans cet appartement. Mais ce sont justement des voix parce que je n'ai pas connaissance de ce qui se dit. Il faut qu'il y ait un vidage de l'énoncé pour que restent les deux termes, l'epsilon de l'entendre et le E de l'énonciation.

Je vous ferai remarquer qu'à l'origine du premier vecteur du Graphe, Lacan écrivait signifiant, et que, au point d'arrivée, il écrivait voix. C'est là déjà, chez Lacan, une position de la voix qui est très précise:
Si ici on place l'Autre, le fameux Autre du code, nous avons, en voie de retour, ce que Lacan écrit signifié de l'Autre ou signifié à l'Autre – ce qui nous marque la voix comme le résidu d'une opération de soustraction. Partant de l'Autre, à qui on s'adresse, et d'où foncièrement, dans l'expérience analytique, provient le message, il y a deux vecteurs qui sont efférents. Il y en a un qui conduit au signifié de l'Autre, et il y en a un autre qui conduit à la voix:
La voix est le résultat d'une soustraction. Dans la fonction de la voix, il y a toujours présent ce que j'ai écrit (- s). Il faut toujours qu'il y ait (- s) quelque part pour que la fonction de la voix émerge comme telle. Il faut qu'on ne comprenne pas. On peut alors proposer la tentative d'une écriture pour la voix. Si le signifié est soustrait, qu'est-ce qui reste dans la chaîne signifiante? Il reste le signifiant, S, mais cette fois-ci en tant que séparé, en tant que déchet de la chaîne signifiante. On pourrait donc écrire, symétriquement à s(A), le signifiant comme objet a: S(a). Ca me paraît être le bon point de départ pour aborder la question:

s(A) S(a)

Si on admet l'écriture que j'ai employée avant, celle de l'énoncé sur l'énonciation avec l'epsilon de ce qui s'entend,

la question est alors de savoir ce qui reste une fois qu'on a mis de côté l'énoncé ou le signifié de l'Autre. Qu'est-ce qui reste quand on soustrait le ce qui se dit, le ce qui se dit qu'on comprend?

La première façon d'aborder le S(a), c'est le son, c'est la fonction du son. Ca demande une étude phonique et phonologique de la voix, qui a tout à fait sa place dans cette affaire. Mais il ne faut pas oublier que cette fonction phonique, que cette fonction epsilon de l'entendre, n'a de valeur que parce qu'elle renvoie au E de l'énonciation, et que potentiellement, la voix dont il s'agit, c'est la pure énonciation. Je veux dire qu'il me semble qu'on s'égare quand on s'imagine que la voix, la voix comme objet a, la voix qui a toute sa valeur dans des fantasmes fondamentaux, est phonique. Elle l'est sans doute, mais seulement en tant qu'elle renvoie à la pure énonciation. La voix, dirai-je, c'est la pure émergence du qu'on dise.

Я хочу сказать, что мы заблуждаемся, когда воображаем себе, что голос как объект а, голос, который имеет особую ценность в фундаментальных фантазмах, является фоническим, акустическим. Конечно, это тоже присутствует, но только тогда, когда отсылает к чистому высказыванию (énonciation). Голос — это чистое возникновение «говорят».

Ce qui répond toujours au qu'on dise, c'est le se faire entendre. Se faire entendre, c'est une pulsion. C'est d'ailleurs sur cette pulsion que spéculent les rencontres et les congrès. Ce n'est évidemment possible que par l'articulation avec une autre pulsion fondamentale, à savoir la pulsion anale des auditeurs, qui est la pulsion de se faire chier. C'est cette pulsion-là qui assure en général la consistance et la durée des assistances. Le se faire entendre, qui répond au qu'on dise, introduit toujours nécessairement la considération du son, et je proposerai donc qu'on écrive la voix comme objet aphonique - ce qui permet de jouer sur la valeur privative du suffixe a en tête de mot et sur le fait que l'on écrive là un objet a comme phonique.

En fait, il faut voir que l'annulation va plus loin que l'annulation de l'énoncé, à savoir qu'elle peut toucher aussi bien à l'entendre. Peut-être la voix n'est-elle jamais si puissante que quand cette double annulation est faite. C'est cela, aussi bien, la valeur du silence de l'analyste. En ce sens, le silence de l'analyste, c'est une voix. Cette double annulation de E et de epsilon suppose que, pour se faire entendre, il faut que l'Autre se taise. Ce qui répond au se faire entendre, c'est l'Autre comme message inversé. Quand vous donnez de la voix, c'est toujours un duo: la voix de l'Autre répond et vous accompagne comme silence. Quand on met en scène le chant à l'opéra, ce qui est troublant et beau, c'est que cette voix de l'Autre vous est présentée de façon substantielle, concrète. Mais ce qu'on ne doit pas quand même pas oublier - et c'est ce qui est tellement sensible dans les belles salles - c'est la voix du public, précisément assourdissante par son silence.

J'essaye là de vous faire avaler – il faut bien dire les choses comme elles sont - cette idée que le comble de la voix pourrait être le silence, que la voix, au moins essentiellement, n'est pas liée à la substance phonique. Elle y est liée, bien sûr, par cette annulation, et elle peut s'incarner dans une voix phonique, mais son essence est aphonique. Ce sont là des réflexions que tous les orateurs se font. Il est évident que c'est quand même un duo, un duo auquel mettent fin les interruptions qui viennent troubler la voix. C'est d'ailleurs pour ça que je n'aime pas les questions. Vous devez vous en être aperçu. Je n'aime pas les questions parce que ça consiste justement à réintroduire s(A). Je préfère toujours – mais il ne faut peut-être pas que je m'encourage dans cette voie-là – vous laisser avec la voix et ne pas faire retour à s(A).

Cette voix est évidemment quand même le complément du silence. Le silence, dans l'expérience analytique, il faut quand même le soutenir en disant quelque chose de temps en temps, sinon ça paraîtrait être de l'endormissement. C'est un silence qui consiste évidemment à faire l'âne pour avoir du son, et c'est là que la position de la voix est dans l'analyse tout à fait massive. C'est aussi pour ça que ça ne convient pas à tous les sujets. Je veux dire qu'il y a des sujets à qui on ne peut pas soustraire l'objet regard. J'essaye de comprendre pourquoi Lacan a parfois mené des analyses entières, de plus de dix ans, sans allonger une personne, une personne qui ne donnait aucune raison de penser qu'elle était psychotique. De toute façon, le processus analytique était, semble- t-il, tout à fait constitué. Ca montre que la prévalence donnée dans l'expérience à l'objet voix est quelque chose à manier avec précaution.

Il y a aussi le quatrième objet: l'analyse merdique. En un sens, on peut dire que c'est le plus commun de ce qui fait le fond de l'expérience analytique, et il est sensible que c'est spécialement pratiqué avec les enfants. On en a eu le compte-rendu lors de la Rencontre, compte-rendu qui faisait bien voir la prévalence donnée à cet objet dans la conduite de la cure.

Evidemment, cette voix, elle est très délicate, puisque, si on perd le support de la substance phonique, qu'est-ce qui va différencier l'objet voix de l'objet regard? Il faut voir que ce que Lacan appelle le regard – il en donne un développement dans le Séminaire XI – n'est pas essentiellement de l'ordre visuel. Le regard, tel qu'il en montre la fonction, peut être aussi bien un bruit, c'est-à-dire relever d'un autre sensorium, d'un autre sens que le sens de la vision. Vous savez à quoi il emprunte cet exemple du bruit concernant le regard. Il l'emprunte, dans L'Etre et le néant, à la description par Sartre du voyeur abîmé dans le spectacle qu'il contemple d'une façon subreptice. La thèse de Lacan, c'est que ce n'est pas le voyeur qui a le regard. Le voyeur est regardé par le spectacle auquel il est attaché. C'est ça l'analyse du voyeurisme par Lacan: le regard est dehors. Le voyeur, lui, est happé par ce point extérieur, il est fixé par ce point et, au moment où il entend un bruit – c'est cela que Sartre essaye de décrire –, il s'aperçoit qu'il est regardé. Il s'aperçoit qu'il est regardé au moment où le bruit se fait entendre. Chaque fois qu'il est question de l'objet regard, il est question de coupure, il est question de surprise et de fixation. L'objet regard fonctionne, si je puis dire, entre l'instant et l'insistant. Dans le regard, il y a une suspension du temps. C'est de l'ordre d'un il ne savait pas depuis combien de temps il regardait ça. Même si apparemment ça dure, il y a une soustraction par rapport à la durée. Je veux dire que la durée, c'est nous qui pouvons la mesurer, mais que, quand il y a regard, on est toujours dans l'instant. C'est ça qui s'appelle être cloué par un regard.

Очевидно, этот голос очень деликатный, поскольку, если мы потеряем поддержку звуковой субстанции, что будет отличать объект голос от объекта взгляд? Следует отметить, что то, что Лакан называет взглядом — который разрабатывался им в XI Семинаре — в сущности не принадлежит визуальному порядку. Взгляд, в том, как он показывает функцию, может также быть шумом, то есть возникать из другого сенсориума, из другого чувства, нежели зрение. Вам знакомо, откуда он позаимствовал этот пример шагов, имеющих отношение к взгляду. Он заимствует его из книги «Бытие и ничто», из описания Сартром вуайериста, пойманного за зрелищем, которое он тайно созерцает. Тезис Лакана состоит в том, что тем, кто подглядывает является не вуаерист. За вуайеристом подглядывает зрелище, к которому он прикован. Это именно анализ вуайеризма Лаканом: взгляд — вовне. Вуайерист оказывается схвачен этой внешней точкой, он зафиксирован в этом моменте, и когда он слышит шаги — это то, что пытается описать Сартр, — он понимает, что за ним наблюдают. Он понимает, что за ним наблюдают, в тот момент, когда слышны шаги. Когда речь идет об объекте взгляд, это всегда вопрос разреза (coupure), неожиданности (surprise) и фиксации. Объект пристального взгляда функционирует, скажем так, между мгновением (instant) и настойчивостью (insistant). Во взгляде имеет место приостановка времени. Это порядок некоторого: он не знал, как долго он смотрел. Даже если очевидно, что оно длится, есть нечто, что по отношению к этой длительности вычитается. Я имею в виду, что когда речь идет о продолжительности, можем ее измерить, но когда речь идет о взгляде, мы всегда находимся в настоящем моменте. Это то, что называется «быть пригвожденным взглядом».

En ce qui concerne la voix, nous avons en revanche une autre temporalité. S'agissant de la voix, il y a nécessairement captation qui dure. Il y a enveloppement, il y a modulation. Ca peut, à la limite, être la respiration même, la respiration du coureur de fond. En général, on n'est pas autant essoufflé dans l'expérience analytique, où on n'a que quelques pas à faire dans un sens ou dans l'autre. Il y a, bien sûr, des gens qui peuvent arriver essoufflés, mais c'est autre chose, à savoir d'être à l'heure ou pas trop en retard.

Puisque nous situons les questions entre la voix comme son et cet être que j'ose à peine baptiser la voix sans son, nous pouvons quand même aller nous appuyer sur la référence que Lacan a proposée, et qui est l'étude de Theodor Reik sur le shofar du rituel juif. C'est un recueil que j'ai ici en anglais et qui s'intitule Etude psychanalytique sur le rituel, avec une préface de Sigmund Freud. C'est de l'ordre de ces belles études des débuts de la psychanalyse, où l'on voit les psychanalystes parcourir des bibliothèques entières. C'est vraiment une époque disparue. Je ne dis pas ça pour les psychanalystes français, qui lisent sans doute davantage que leurs collègues américains. Mais je pense à tel Américain que nous avions, Eric Laurent et moi, rencontré à New York. Cette personne, d'ailleurs très sympathique, nous expliquait qu'entre sa vie de famille, sa pratique et le fait qu'il écrivait lui-même, il n'avait le temps de rien lire du tout. Ca tranche évidemment avec ces érudits et ces rats de bibliothèque qu'étaient les Ernst Jones ou les Theodor Reik. Nous avons donc là une de ces études où se déploie une érudition, qui est un peu de semblant, au sens où Reik a tourné un peu vite les pages des livres pour trouver les pages qui l'intéressent, mais qui présente cependant ce côté amateur de savoir qui est quelque chose que souvent les psychanalystes ont perdu.

Dans cette étude, le cher Theodor Reik se vante de pouvoir, à partir de quelques difficultés du texte de la Bible, à partir de quelques lapsus, rendre compte de la présence singulière, dans le rituel juif, de cet instrument à vent qui est une énorme corne de bélier, et dans lequel on se trouve souffler pour produire un son qui est une sorte de beuglement. Il y a certainement une modulation, mais il ne s'agit pas là – et c'est d'ailleurs paradoxal – d'un instrument de musique à proprement parler.

Voilà comment Reik reconstitue les choses pour justifier l'usage répété de cet instrument à des moments cruciaux du rituel juif. Il rappelle d'abord que le bélier a dans l'histoire d'Israël toute sa valeur, ne serait-ce que dans l'épisode – qui est un index pour nous s'agissant du surmoi - du sacrifice d'Isaac. J'ai déjà eu l'occasion de rappeler que la première leçon du Séminaire des Noms-du-Père – Séminaire qui fut interrompu – portait sur le sacrifice d'Isaac. Nous avons là un Dieu qui n'est pas le Dieu qui calcule comme celui de Leibniz. Le Dieu qui figure dans le sacrifice d'Isaac, c'est le Dieu qui réclame du sang. Ce n'est pas du tout du même ordre. Ce n'est précisément pas de l'ordre du Nom-du-Père, de ce Nom-du-Père classique, bienfaisant et qui manque au psychotique. Le père dont il s'agit est bien plutôt un père obscène et féroce.

Vous savez qu'Abraham, obéissant à Dieu, lie son fils Isaac, c'est-à-dire ce qu'il a de plus précieux, pour l'offrir en sacrifice. Il y a même des versions talmudiques où on précise qu'Isaac dit lui-même à son père, afin d'être égorgé proprement, afin que ça ne soit pas raté, de le lier encore un peu mieux. Il faut vraiment que la victime soit exactement cadrée d'une façon spéciale pour qu'il y ait une chance de faire jouir Dieu, et Isaac y met du sien. Ensuite, au moment où va s'accomplir l'acte d'égorgement, vous savez que c'est un bélier qui se trouve venir là et être l'objet du sacrifice. On prétend, dans les exégèses, que ça traduit justement une métaphore divine: le remplacement du Dieu des sacrifices par le Dieu spécialement sublime qu'on va voir agir par la suite. Il faut quand même dire que le Dieu d'Israël s'est spécialement distingué, au cours de son histoire, par le fait de ne pas trouver toujours de bélier sous la main pour remplacer la victime en ce qui concerne le sacrifice de son peuple élu. Je veux dire que comme exemple de départ, c'est assez suspect. En tout cas, la thèse de Reik, c'est que le rôle de la corne de bélier s'explique bien, puisque ça renvoie au sacrifice d'Isaac et à cette merveille d'être passé d'un Dieu féroce à un Dieu bienveillant et convenable avec son peuple. C'est là la première donnée: nous avons la corne de bélier parce que le bélier évoque le souvenir du Dieu ancien.

Ensuite, Reik s'appuie sur un passage de l'Exode, un passage qu'il sollicite vraiment beaucoup. Je vais vous le lire. C'est au moment où Moïse va être appelé sur le mont Sinaï, et c'est aussi bien l'exemple que Lacan prend ensuite, s'agissant du surmoi, à la fin de sa "Remarque sur le rapport de Daniel Lagache". Voilà ce passage de l'Exode: "Au troisième jour, dès le matin, il y eut des tonnerres, des éclairs, une lourde nuée sur la montagne, et un son de cor très fort [c'est ainsi que c'est traduit]. Alors Moïse fit sortir le peuple du camp à la rencontre de l'Elohim. Ils se tinrent debouts au bas de la montagne. Or, le mont Sinaï était tout fumant, parce que sur lui était descendu Yahvé dans le feu, et que sa fumée montait comme la fumée d'une fournaise. Toute la montagne tremblait fort. Le son du cor allait en se renforçant de plus en plus, Moïse parlait, et l'Elohim lui répondait par une voix."

C'est cette dernière phrase que souligne Reik: "Le son du cor allait en se renforçant de plus en plus, Moïse parlait, et l'Elohim lui répondait par une voix." Il a l'air de considérer que, par rapport à tout le reste qui est selon lui cohérent, cette phrase-là fait tache. C'est vraiment très amusant de voir qu'il traite ce texte - qui est un tissu de fantasmagories diverses - comme cohérent, pour faire valoir ce paradoxe précis de la voix. L'Elohim répond par une voix, mais qu'elle est cette voix? se demande Reik. Eh bien, cette voix de Dieu ne peut être en définitive que la voix du son du cor même. Autrement dit, depuis toujours, dans la Bible, le son du shofar, c'est la voix de Dieu. Ca fait l'objet du deuxième chapitre de Reik, où il y a d'ailleurs des illustrations du shofar qu'il a prises dans l'Encyclopédie juive: le shofar de la grande synagogue à Londres, un autre shofar plus ancien.

Theodor Reik fait donc cette considération. Il dit que c'est la voix de Dieu, et que si on la rappelle avec cette fréquence, c'est parce que c'est au fond la voix du Dieu ancien des Juifs. Et donc, puisque nous connaissons, depuis Totem et tabou, la conjoncture, la configuration de cette affaire, si les Juifs - c'est un raisonnement très simple - mettent un bélier dans le sacrifice d'Abraham, c'est que ce qu'ils écoutent dans leur rituel avec le shofar, c'est la voix du père en tant que mise à mort. Ce qui est au coeur du rituel juif, c'est la commémoration du sacrifice du père. C'est ce que dit Reik. Il brode absolument sur cette donnée: "Nous comprenons maintenant pourquoi le prêtre souffle dans le shofar. Ca implique qu'il s'identifie avec Dieu, et c'est ça qu'il proclame en imitant la voix divine, tout comme les fils de la horde primitive, qui avaient tué le père, avaient pris graduellement la nature du père et ses formes d'expression". Cette identification implique à la fois qu'on refait l'acte et qu'on assure que plus jamais on ne le refera. Disons que toutes les ambivalences sont possibles à partir de cette donnée. On réclame le pardon, on s'assure du pardon de Dieu pour le crime qu'on a commis à son endroit: "La mémoire du péché est ravivée par le fait de sonner du shofar. La voix de Dieu elle-même rappelle le crime qui a été une fois commis contre lui. Le cérémonial, comme les symptômes de la névrose obsessionnelle, est une protection contre la tentation perçue endopsychiquement, et l'origine de ce shofar explique aussi pourquoi il est devenu la promesse d'expiation de la vieille faute".

Voilà le contexte dans lequel Reik introduit son analyse d'une voix, d'une voix qui effectivement est pure, est donnée là comme une pure modulation phonique. A cet égard, rien n'est plus sensible, dans cet exercice, dans cette version dramatique du père mort, que l'annulation du ce qui se dit. On n'a plus rien, on n'a plus que le ce qui s'entend.

Nous sommes habitués à l'idée que le signifiant implique la mort, que le signifiant comme tel est mortifère. C'est même ce qui fonctionne comme opérateur dans le Nom-du-Père. Mais enfin, dans le Nom-du-Père, dans ce concept tel qu'il est utilisé communément, ce qui fait défaut, c'est précisément la notion du meurtre du père. Le Nom-du-Père évacue la notion du meurtre du père. Le Nom-du-Père comme opérateur est dans l'Autre, et laisse ainsi de côté ce qui est de l'ordre du meurtre obscène et féroce du père. C'est cette dimension-là qui se rappelle dans le surmoi, où la notion même du signifiant comme voix est au contraire au premier plan. Le Nom-du-Père, c'est le signifiant comme signifiant et c'est tout à fait distinct de la fonction du signifiant comme objet a. C'est là tout l'écart qu'il y a entre la logique du Nom-du-Père et cette histoire, cette histoire absolument dégoûtante, il faut bien le dire, que raconte Theodor Reik.

Pourquoi Lacan se réfère-t-il à cette analyse de Reik? C'est, avant tout, parce que ce rituel met en fonction la voix comme objet. Il la met en valeur parce que la voix y apparaît comme séparée. C'est là une donnée qui est tout à fait essentielle et caractéristique de l'objet tel que Lacan l'évoque à la page 772 des Ecrits, dans cet article qui est pour notre affaire tout à fait important, et qui s'intitule "Kant avec Sade". Au milieu de la page 772, Lacan évoque l'objet dont il s'agit dans la loi morale. Il évoque cet objet de la loi morale kantienne, présent dans l'expérience sadienne comme l'agent du tourment, comme le tortionnaire. Même si dans l'expérience sadienne nous pouvons trouver incarné l'objet dont il s'agit dans l'expérience morale, cet objet garde tout de même "l'opacité du transcendant. Car cet objet est étrangement séparé du sujet. Observons que le héraut de la maxime n'a pas besoin d'être ici plus que ce point d'émission. Il peut être une voix à la radio [...]. Tels phénomènes de la voix, nommément ceux de la psychose, ont bien cet aspect de l'objet. Et la psychanalyse n'était pas loin en son aurore d'y référer la voix de la conscience".

On s'aperçoit que ce qui est constitutif du statut d'objet, c'est la séparation, c'est le statut de déchet potentiel de la voix par rapport à ce qui serait, au contraire, son hallucination philosophique, c'est-à-dire la voix comme étant ce qui serait le plus proche du sujet. Il suffit de l'expérience de la psychose pour voir que c'est essentiellement dans la voix que réside la division du sujet. C'est dans la voix que l'émergence de ce qui le divise comme sujet est la plus sensible. C'est ce que Lacan dit en toutes lettres page 770 des Ecrits: "la bipolarité dont s'instaure la Loi morale [la réciprocité dont elle s'instaure] n'est rien d'autre que cette refente du sujet qui s'opère de toute intervention du signifiant: nommément du sujet de l'énonciation au sujet de l'énoncé". Je dirai que ce passage est ce qui justifie de situer la voix, le surmoi comme voix, à partir du clivage de l'énoncé et de l'énonciation.

Je laisse de côté ce qui me permettrait pourtant de retrouver la veine principale de mon cours de cette année, à savoir la place d'où vient cette voix comme objet, cette place que Lacan appelle la jouissance. Si vous voulez avoir la référence que nous pouvons prendre comme repère, je vous renvoie à la page 819 des Ecrits, que je crois d'ailleurs vous avoir soulignée cette année et certaines années précédentes.

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