Следующая клиническая секция состоится 17.11.24. Скоро анонс!
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Жак-Ален Миллер , курс 2010-2011 гг
Бытие и Одно // Совсем Одно
12 сеанс, 11 мая 2011

Жак-Ален Миллер, курс 2010-2011 гг
Бытие и Одно // Совсем Одно
12 сеанс, 11 мая 2011
Je ne veux pas, aujourd'hui, faire un pas en avant mais plutôt regarder en arrière pour situer le point où j'en suis, le point où j'en suis dans ce que je pense, sans doute et ce que je pense aujourd'hui c'est ceci : que j'ai été formé par l'enseignement de Lacan à concevoir le sujet comme un manque à être c'est-à-dire comme non substantiel et cette pensée, cette conception, a des incidences et même une incidence radicale dans la pratique de l'analyse. Ce que je pense, c'est que dans le dernier enseignement de Lacan c'est-à- dire dans ses indications qui deviennent, au cours du temps, de plus en plus parcellaires, énigmatiques, qui demandent d'y mettre beaucoup du sien, le manque à être, la visée du sujet comme manque à être, s'évanouit, disparaît et, à la place de cette catégorie ontologique, à proprement parler, puisqu'il y est question d'être, vient celle du trou. Qui n'est pas sans rapports avec le manque à être et qui pourtant est d'un autre registre que l'ontologique.

Et donc c'est ça que je me retrouve obligé à penser: le rapport, la filiation et pourtant la différence entre le manque à être et le trou par quoi Lacan voulait, dans son dernier enseignement, définir le symbolique lui- même, le définir comme trou. Et le fait qu'il ait eu recours au nœud pour représenter ce que j'appellerai, pour m'amuser, l'état de sa pensée n'a fait que d'autant plus insistant cette catégorie du trou puisque chacun des ronds de ficelle dont il s'emparait peut être dit être filé autour d'un trou.

Voilà ce que j'entrevois, au point où j'en suis. Que le renoncement à l'ontologie l'a conduit du manque à être au trou et que cela reste à penser et le point où j'en suis, c'est aussi le point où j'en suis dans ce que je pratique dans mon exercice de la psychanalyse et là, je vois bien que j'y ai évolué. Au fond, ma première pratique s'est réglée sur le désir, entendu comme ce qu'il s'agit d'interpréter et, sans méconnaître, instruit que j'étais par Lacan qu'interpréter le désir, c'est aussi bien le faire être. L'interprétation, en cela, est créationniste. Et si ma pratique a évolué, ce n'est pas d'avoir abandonné l'interprétation du désir, mais c'est de ne pas s'y régler, de se régler sur un terme que l'on ne peut pas se prévaloir de faire être un terme qui fond qui destitue l'analyste de ce pouvoir créationniste que l'interprétation du désir lui confère et qui est une certaine puissance, puissance de la parole, de la sienne, qu'il faut sans doute apprendre à acquérir.

C'est ce qui s'enseigne dans les contrôles. Ce qui s'enseigne essentiellement, après tout, ce n'est pas essentiellement l'art du diagnostic, même si ça fait le souci du débutant qui veut savoir à quel type de sujet il a affaire. Mais ce qui s'enseigne essentiellement, ce qu'on essaye de lui passer, c'est la méthode pour que sa parole acquière de la puissance, qu'elle puisse être créationniste.

Cette méthode, si on la résume, est élémentaire, c'est qu'il faut apprendre à se taire. C'est qu'il faut que la parole soit rare pour qu'elle puisse porter, pour qu'elle puisse retenir l'attention du patient et même si cette attention qu'il portera fera qu'il sera à côté de ce qui à surgit pour lui comme formation de l'inconscient. Comme le dit Lacan dans son dernier texte publié que vous avez dans les Autres Écrits page cinq cent soixante et onze: il suffit qu'on y fasse attention pour qu'on sorte de l'inconscient et c'est pourtant ce qu'il s'agit d'obtenir par l'interprétation. Mais il a, disais-je, un terme que vous ne pouvez pas vous prévaloir de faire être, ce terme, c'est celui de la

jouissance. Là, vous devez vous désister de toute intention créationniste et vous faire plus humble. Interpréter les termes qui, ici, défaillent. Il faudrait y substituer quelque chose comme cerner, constater. Je n'en suis pas satisfait, de ce vocabulaire, je voudrais parvenir à trouver le vocabulaire qui dirait mieux ce dont il s'agit pour l'analyste au regard de ce terme qui outrepasse l'ontologie. J'ai mon ontologie, dit Lacan et il ajoute pourquoi pas, comme tout le monde en a une, naïve ou élaborée. Je cite ici le Séminaire des Quatre concepts fondamentaux page soixante neuf. L'enseignement de Lacan, celui qui s'enseigne se tient au niveau de l'ontologie. C'est lorsqu'il s'en est désisté, dans son dernier enseignement, qu'en quelque sorte on a perdu les pédales et c'est pourquoi je veux demeurer sur ce point avant d'essayer d'avancer. Son ontologie, Lacan l'a inscrite dans la tenta tive de Freud de donner corps à la réalité psychique sans la substantifier et chacun de ces termes mérite d'être interrogé. Ne pas substantifier la réalité psychique, c'est précisément ne pas la psychologiser et aucun des schémas que Freud a pu proposer pour articuler la réalité psychique pour, y compris le schéma en œuf qui décore sa seconde topique, le moi le ça le surmoi ne doit prêter à une différenciation d'appareil et l'idée qu'ici, il ne s'agit pas de substance, c'est-à-dire d'appareil différencié dans l'organisme pour l'incarner, conduit à récuser les tentatives d'assoir la théorie freudienne par une investigation du fonctionnement du cerveau. Il ne manque pas aujourd'hui de chercheurs pour essayer de valider les intuitions de Freud en cherchant à repérer les instances qu'il a pu distinguer grâ ce à l'imagerie auquel leur donne accès la technologie qui s'est développée dans les décennies récentes. Ça, c'est une tentative de donner corps à la réalité psychique en la substantifiant. Au contraire, Lacan, dans son premier enseignement, a essayé d'élaborer ce qu'on pourrait appeler un être sans substance. Qu'est-ce que je veux dire par cette expression ? C'est un être qui ne postule aucune existence. Il n'est pas sûr que le terme d'existence soit plus clair que le terme de substance. Alors précisons. Au fond, c'est le concept d'un être sans réel, où disons un être, celui du sujet, qui ne s'inscrit qu'en se différenciant du réel et en se posant au niveau du sens.

Au fond, c'est à ce niveau là que se tient l'ontologie de Lacan. C'est une ontologie sémantique. Lacan est allé chercher dans Freud de quoi soutenir le terme de l'être. Il a du compulser l'œuvre de Freud, qui n'est pas prodigue en de telles références, et il l'a trouvée dans la Tramdeutung au chapitre sept quand Freud traite dans la partie marquée E du processus primaire et du processus secondaire et aussi du refoulement et alors vient sous la plume de Freud l'expression Kern unseres Wesen le noyau de notre être. Lacan s'en est emparé, il s'est emparé de cet hapax, parce que ça n'a jamais, à ma connaissance, et dit qu'une fois par Freud. Il s'en est emparé pour dire que l'action de l'analyste va cœur de l'être et qu'à ce titre, lui-même y est impliqué.

Pour saisir ce dont il s'agit, reportons nous à ce passage de Freud que vous trouverez page six cent trente et un de la dernière traduction parue de la Tramdeutung par Jean-Pierre Lefèvre aux Éditions du Seuil, traduction que, pou avoir commencé à la compulser, je trouve éminemment recommandable.

Où s'inscrit exactement cette expression le noyau de notre être. Elle s'inscrit – j'abrège parce qu'il faudrait parler de l'ensemble du chapitre, de l'ensemble de cette partie E mais...– elle s'inscrit dans la différence, dans l'écart que distingue Freud entre les deux processus psychiques, primaire et secondaire. Et au fond, peu importe comment il les définit. Il définit le processus primaire comme celui qui a pour but d'évacuer l'excitation etc. Il reconnaît, au fond, le caractère fictif de sa construction: un appareil psychique, dit-il, qui ne posséderait que le processus primaire, cela n'existe pas, c'est une fiction théorique. Mais le caractère de fiction n'empêche pas de penser que les processus secondaires – il passe au pluriel – se développent par après; donc il y a l'idée d'une orientation temporelle. Il y a d'abord et il y a ensuite et entre les deux, il y a une lacune, un écart.

Les processus secondaires se développent par après et ils inhibent, ils corrigent, ils dominent les processus primaires. Ne gardons que ça. L'idée qu'il y a du primaire et que vient comme par dessus s'implanter un appareil qui opère sur cette donnée première et qui explique qu'il y ait quelque chose comme l'inconscient, que l'inconscient ne soit pas à livre ouvert.

Et c'est alors qu'il introduit l'expression «le noyau de notre être» et il le situe au niveau primaire, c'est-à- dire avant que n'intervienne un appareil, une configuration, susceptible de retenir ces processus, de les dévier, de les orienter. Le noyau de notre être, pour lui, est au niveau primaire, en tant que ce niveau primaire serait constitué – traduit Lefèvre – de mouvements désirants inconscients dont Freud précise, par la suite: ils sont issus de l'infantile. Voilà ce qui, si nous inventons une ontologie, voilà comment nous pourrions la situer: le noyau de notre être est de l'ordre du désir, et d'un désir qui reste impossible à saisir et à réfréner, en dépit du secondaire qui s'implante.

De telle sorte que, pour Freud, la réalité psychique est obligée de se plier au désir inconscient. Il dit: il y a là comme une maîtrise et c'est ce qui sera, chez Lacan, répercuté incessamment, y compris dans ses schémas des quatre discours. Il tiendra à inscrire que le signifiant maître est impuissant à dominer le savoir inconscient. Maîtrise impossible, il est seulement permis au processus secondaire de diriger, de faire dévier les processus primaires vers ce qu'il appelle des goûts plus élevés et c'est ce que, plus tard, il appellera la sublimation. Je ne retiens que ça, que pour Freud, le noyau de notre être est au niveau du désir inconscient et que ce désir ne peut jamais être maîtrisé ni annulé, il peut seulement être dirigé et c'est ce que Lacan se proposait de faire quand il énonçait sa pensée de sa pratique sous le titre de La direction de la cure. Le premier enseignement de Lacan, je veux dire celui qui commence avec Fonction et champ de la parole et du langage, celui qui a marqué les esprits, qui a marqué l'opinion, au fond culmine sur un enseignement qui porte sur le désir comme constituant l'être du sujet. Et comme j'essaye précisément d'ébranler cette ontologie lacanienne, comme Lacan lui-même l'a fait, à été conduit à l'outrepasser, j'irai à extraire de ces considérations une définition ontologique selon laquelle l'être, c'est le désir.

C'est bien pourquoi, quand il ponctue l'expression de Freud le noyau de notre être, Lacan peut dire – comme en incise – : qu'on ne s'inquiète pas à la pensée que je m'offre ici encore à des adversaires toujours heure ux de me renvoyer à ma métaphysique. Au fond, ces adversaires, Lacan les brave. Il les brave en paradant avec sa métaphysique et je retrouve la même expression qui montre qu'il assume sa métaphysique dans le discours par lequel il présentait son Rapport de Rome sur Fonction et champ de la parole et du langage.

Il évoquait alors l'analyste débutant que sa psychanalyse personnelle dit-il – il employait cette expression – ne lui rend pas plus facile qu'à quiconque de faire la métaphysique de sa propre action. Il faut entendre là l'énoncé de son ambition: faire la métaphysique de l'action analytique, c'est -à-dire d'assigner l'être sur lequel porte cette action et je dirai même que le terme d'action ici implique celui de cause: comment, à partir de ce que je fais comme analyste, puis-je être cause d'une mutation, d'une transformation, d'un effet efficace qui touche le noyau de l'être? Et il prévenait d'emblée que s'abstenir de faire la métaphysique de l'action analytique, ce serait scabreux, parce que ça veut dire la faire sans le savoir. Ça ressemble à l'argument selon lequel il faut philosopher, parce que s'il ne faut pas philosopher, il faut encore philosopher pour montrer qu'il ne faut pas philosopher. C'est l'argument selon lequel on n'en sort pas, quand on situe cette dimension. Eh bien c'est ainsi que Lacan concevait au départ même de son enseignement ce qu'il appelait une métaphysique et qu'on ne peut pas ne pas faire la métaphysique de la psychanalyse.

Comment l'entendre? Quel est l'être sur lequel on prétend agir par l'analyse? Et c'est dans la veine de cette interrogation qu'on rencontre la fonction de la parole. La psychanalyse comporte qu'on agit par la parole, mais l'intensité avec laquelle Lacan a promu la fonction et le champ du langage, elle tient à ce que pour lui, cette assignation linguistique était inscrite dans le cadre de la métaphysique de la psychanalyse.

On a voulu la réduire à une exploitation de la linguistique alors que la question qui l'animait dans ce qui est venu comme une réponse, la fonction de la parole et le champ du langage, c'était la question métaphysique que j'ai dite, à savoir qu'el est l'être sur lequel cette opération prétend agir et c'est alors qu'il applique un axiome selon lequel il ne peut pas y avoir d'action d'un terme sur un autre s'ils ne sont pas homogènes; il doit y avoir homogénéité entre l'action de l'analyste et l'être auquel elle s'applique, si l'analyse est efficace et qu'elle le soit, c'est le présupposé empirique de son dis cours. La psychanalyse l'est, efficace. Dès lors il faut qu'il y ait homogéné ité, ce qui veut dire qu'il faut que cette action et l'être auquel elle s'applique soient du même ordre, soient du même ordre de réalité, soient du même ordre ontologique.

Alors quelle est cette action? Lacan la centre et même la réduit à l'interprétation c'est-à-dire à la donation d'un autre sens à ce qui est dit.

Et là, si on isole l'interprétation comme le noyau de l'action analytique, alors on doit dire qu'elle opère dans l'ordre du sens et la métaphysique analytique doit comporter que l'être, c'est du sens.

Autrement dit que la psychanalyse implique une ontologie sémantique et ce que Lacan appelle le sujet, c'est précisément ce corrélat de l'interprétation, un sujet qui n'a d'être que par l'interprétation, que par le sens et un être variable en fonction du sens. Il n'y a rien là qui soit de l'ordre de la substance, rien là qui ait sa permanence.

Alors cet être du sens, comment le penser, sinon comme distinct de l'ordre du réel? Et au fond, c'est ça le... on peut parler en terme d'intuition, en terme d'axiome, c'est ça la position première qui oriente Lacan, comme il le formule, – vous trouverez ça dans les Autres Écrits page cent trente six – qu'il y a une distance entre le réel et le sens qui lui est donné. Cette distance, c'est la distance entre deux ordres, l'ordre du réel et l'ordre du sens. Et Lacan commentera incessamment cette distance qui montre le hiatus qu'il y a entre le réel et le sens qui lui est donné, qu'il y a là, pour utiliser un terme de Saussure, comme un arbitraire. À l'occasion, il voudra même lui reconnaître une liberté du sujet. En tout cas le réel ne décide pas du sens. Il y a entre le réel et le sens une lacune, un hiatus qui nous permet de reconnaître ce que nous appelons deux ordres ou deux dimensions qui ne communiquent pas.

De la même façon qu'à partir de Descartes, on pouvait distinguer l'âme et le corps et poser en plus leur union mais ici, dans le premier enseignement deLacan,il y a le réel et le sens et il n'y a pas d'union entre le réel et le sens et le pivot de l'action analytique, c'est la donation de sens. Ça suppose une écoute du patient qui se fait dans ces termes, qui est cadrée par l'attention portée au sens donné par le sujet à la donne qui lu i a été distribuée de naissance ainsi qu'aux événements qui ont scandé son développement, quelles sont les modalités sémantiques selon lesquelles il vous communique ce qu'il vit et l'attention aussi portée aux variations de la donation du sens.

Deuxièmement, du côté de l'interprétation, du coté de ce que vous avez à faire, c'est aussi donner du sens. En cela, c'est homogène à la donation de sens qui est incessamment effectuée par le patient ; mais c'est une donation de sens qui a pour but d'accomplir une venue à l'être, c'est-à- dire de faire être ce qui n'était pas mais dont vous pouvez inférer que ça voulait être, que ça pouvait être et que ça cherchait à être et que le sujet entre guillemets ne se l'avouait pas. Donc vous êtes, comme analyste, en rapport avec ce moindre être qui n'est pas accompli et dont vous seriez l'accoucheur, celui qui permet à l'être de devenir. Et c'est un faire être qui passe par l'action de la parole.

Évidemment Lacan retrouvait là tout ce qui avait pu être élaboré comme les pouvoirs poétiques de la parole pour les contraster avec sa valeur réaliste et la mise en valeur, au contraire, de la création. Et Lacan, d'emblée, évoquait cet être comme pris dans l'engrenage du fil des lois du bla bla bla. C'est comme ça qu'il l'appelle et puis après, en effet, il a essayé d'épeler les lois du bla bla bla en particulier en donnant un schématisme de la métaphore et de la métonymie, donc tout un appareil toute une mécanique des lois qu'il a présenté avec la construction des + et des –; il l'a articulé comme l'arborescence d'un graphe, le graphe du désir, il l'a répercuté de diverses façons auxquelles on peut s'attacher pour la valeur propre de chacune. Mais le fil conducteur, c'est la doctrine de l'inconscient qui est là sous jacente, que l'inconscient appartient à l'ordre du sens, en tant que phénomène de sens, en tant que phénomène sémantique et dans son discours initial, Lacan emploie ce terme de phénomène à propos de l'inconscient, phénomène et j'ajoute sémantique.

Encore une fois, moi-même j'ai passé beaucoup de temps à articuler, désarticuler, remonter les constructions de Lacan concernant ses engrenages linguistiques et chacun mérite de retenir pour ce qu'il est mais là, je vis à un niveau plus élémentaire, une visée primaire, un abord comme immédiat de ce dont il s'agit dans la pratique et qui soutient les constructions de Lacan tout du long et qui lui font faire équivaloir inconscient et sujet c'est-à -dire que l'inconscient, comme le sujet ou en tant que le sujet a à être.

Évidemment, c'est une intuition très restreinte mais qui est de nature à soutenir l'expérience analytique dans sa succession dans la suite matérielle des séances il s'agit là de faire être à partir de ce qu'il faut bien supposer être un manque d'être et le désir freudien, qualifiant le noyau de notre être prend ainsi le sens d'un désir d'être, d'un désir ontologique.

Et qu'est-ce qui peut conférer l'être au désir d'être? Première réponse que Lacan a donnée: c'est la reconnaissance. Le désir comme désir d'être est un désir de reconnaissance en tant que seule la reconnaissance peut lui conférer de l'être. La reconnaissance, ça veut dire qu'il soit entériné par l'autre de la parole, qu'il soit entériné par celui à qui il s'adresse, par celui qui l'interprète et donc la reconnaissance apparaît – c'est un terme évidement dont Lacan a hérité de Hegel – mais là je reconstitue une logique primaire qui soutient le premier enseignement de Lacan, la reconnaissance, c'est la satisfaction du désir on peut dire en ce sens, quand la reconnaissance est accomplie, c'est alors que l'analyse peut trouver sa fin et elle trouve sa fin dans une satisfaction, dans la satisfaction que procure la reconnaissance et Lacan, bien plus tard, y compris dans son dernier écrit publié que je citais tout à l'heure dira aussi que la fin de l'analyse, c'est une affaire de satisfaction, mais une satisfaction certainement très à distance de celle que je pointe ici.

Alors déjà, dans le premier enseignement de Lacan, il y a une rupture, il y a un franchissement, il y a un au-delà de la reconnaissance et ça se fait en un point très précis qu'on peut noter dans son écrit de la Direction de la cure où il évoque la reconnaissance et aussi pourquoi il s'en déleste et il s'en déleste au moment où il distingue désir et demande et où il s'aperçoit que la reconnaissance, c'est ce que le désir demande mais que précisément le désir porte au-delà de la demande et qu'aucune satisfaction de la demande, y compris de la demande de reconnaissance n'est susceptible de satisfaire le désir.

Et c'est alors que se produit un déplacement qui va de la reconnaissance du désir à sa cause et la promotion par Lacan du terme de cause vient à la place du terme de reconnaissance et c'est un déplacement à proprement parler ontologique. C'est le moment où Lacan ne se satisfait pas de définir le noyau de notre être par le désir inconscient, au rebours de ce qu'il avait pêché dans un des premiers écrits de Freud de la Tramdeutung.

Ce déplacement ontologique advient lorsqu'il paraît que le désir n'est qu'un effet, que le désir n'est pas une raison dernière, que ce n'est pas l'ultima ratio de l'être mais que c'est un effet de signifiant pris dans les rails de la connexion du signifiant au signifiant c'est-à-dire pris dans les rails de la métonymie et, à cet égard, l'écrit de l'Instance de la lettre et la définition du désir qui y est proposée s'inscrit en faux par rapport à la dialectique de la reconnaissance.

Cette construction inscrit le désir au niveau de la signification avec sa valeur de renvoi et Lacan l'a transcrit dans cette formule: entre signifiant et signifié, il n'y a pas émergence, il n'y a pas apparition, il y a un signifié retenu qu'il écrit par un signe moins entre parenthèse

S (-) s

et dans cet effet métonymique, qui se distingue de l'effet métaphorique qui lui s'inscrit de la même façon mais avec un plus qui indique l'émergence, dans cet effet métonymique, il retrouve le

S (+) s

manque à être par lequel il définissait le désir mais ici, c'est un désir dont il dira qu'il est incompatible avec la parole pour dire qu'il court sous tout ce qui est dit et c'est pour dire que c'est un désir incompatible avec la reconnaissance, qu'aucune reconnaissance ne peut éteindre. C'est un désir qui ne peut pas s'interrompre en s'avouant. C'est comme un fantôme de la parole.

Eh bien en passant de la reconnaissance à la cause, Lacan déplace aussi le point d'application de la pratique analytique du désir à la jouissance.

Le premier enseignement repose sur le manque à être et sur le désir d'être et prescrit un certain régime de l'interprétation, disons, l'interprétation de reconnaissance. C'est l'interprétation qui reconnait le désir sous entendu et qui l'exhibe. Et il faut dire que chaque fois qu'on s'emploie à interpréter un rêve, en effet, on pratique l'interprétation de reconnaissance.

Mais il y a un autre régime de l'interprétation qui porte non sur le désir mais sur la cause du désir et ça, c'est une interprétation qui traite le désir comme une défense, qui traite le manque à être comme une défense contre ce qui existe et ce qui existe, au contraire du désir qui est manque à être, ce qui existe, c'est ce que Freud a abordé par les pulsions et à quoi Lacan a donné le nom de jouissance.

Alors sans doute Freud a dénié l'existence aux pulsions en disant qu'elles n'étaient que multiples, que c'était nos mythes et on comprend: ce n'est pas du réel. Mais c'est précisément ce que Lacan dément en interprétant Freud. Que dire que les pulsions sont mythiques n'est pas les renvoyer à l'irréel mais qu'elles sont un mythe du réel, qu'il y a du réel sous le mythe et que le réel qu'il y a sous le mythe pulsionnel, c'est la jouissance.

Cette cassure, Lacan lui a donné une formule que j'avais jadis soulignée: le désir vient de l'Autre, la jouissance est du côté de la Chose (avec un grand C). Ça veut dire: le désir tient au langage et à ce qui, dans le champ du langage, là où il est communication, fait appel à l'Autre.

La Chose dont il est question, ça n'est pas la vérité freudienne, celle qui dit: moi la vérité je parle, la Chose, c'est le réel à quoi on donne sens et ce à quoi, au-delà de son premier enseignement, Lacan en est venu, c'est que le premier réel qui se distingue de la donation de sens et sur lequel s'exerce la donation de sens, c'est la jouissance.

Ce côté de la Chose, où s'inscrit la jouissance, c'est le symptôme, c'est-à- dire ce qui reste quand l'analyse finit au sens de Freud et c'est aussi ce qui reste après la passe de Lacan, c'est-à- dire après le dénouement du sens.

La métaphysique de l'action de l'analyste, c'est-à-dire ce que j'appelais son ontologie sémantique, vise comme noyau de l'être le désir, c'est-à-dire un sens et c'est ce noyau qui est atteint par la passe, qui est essentiellement désigné par l'apparition d'un manque à être que Lacan appelle la castration parce qu'il interprète le terme freudien de castration dans le cadre de son ontologie. Et même quand il indiquait, en proposant la passe, que ce noyau était susceptible d'une autre notation, petit a, qui est une notation positive, il faut remarquer qu'elle ne prenait, pour lui, sa fonction qu 'à partir du manque à être, comme un obturateur du manque à être.

Donc la passe est encore dominée par l'affaire du manque à être. Elle est coupée, la passe, de l'idée de la reconnaissance, parce qu 'à partir du moment où on définit le désir comme une métonymie, la reconnaissance du désir perd sa valeur: il ne peut pas y avoir de reconnaissance du désir définie comme une métonymie. Et donc, à la place de la reconnaissance, d'un désir venu à l'être, Lacan installait avec la passe la reconnaissance du ma nque à être et spécialement la reconnaissance du manque à être du désir. Et c'est pourquoi il disait : on note dans la passe une déflation du désir. C'est-à-dire que dans la passe, on finit par cerner ce moins entre parenthèse et à lui donner valeur de castration et on cerne aussi ce qui a permis de faire la soudure entre signifiant et signifié, et c'est l'objet petit a. Donc ce que Lacan appelait la passe, même travaillé de tensions, est pris dans son ontologie, c'est encore dominé par la notion de l'être et du manque à être. C'est dans le dernier enseignement de Lacan qu'il y a un renoncement à cette métaphysique, à cette ontologie .

Et tout ce que j'ai évoqué, ici, tout ce que j'ai essayé de ressaisir pour pouvoir plus tard avancer, autant tout cela est dominé peu ou prou par les avatars du manque à être, quand Lacan franchit les limites de cette ontologie...

Quand est-ce qu'il les franchit? Il franchit ces limites au moment où il dit: Yadl'Un. C'est-à-dire ça n'est pas un manque, tout au contraire, et ça n'est pas de l'être: il ne dit pas: là est. Il va chercher ses références, d 'ailleurs, dans bien en deçà de Descartes, bien en deçà de la métaphysique moderne. Il va chercher ses références chez Platon, voire chez les néo-platoniciens et il s'abstient de dire l'Un est, comme eux-mêmes le font. Il dit Ya, tout de même en faisait l'apocope du il. C'est argotique: Ya. Cette jaculation est une position d'e xistence et, si l'on veut, c'est une redite.

Yadl'Un, c'est la redite de la Fonction de la parole et du champ du langage, réduits à leurs racines, réduits au fait pur du signifiant en tant que pensée hors des effets de signifié et donc en particulier pensée hors du sens de l'être.

Одного имеется вдосталь (Yadl'Un) – это повторение «Функции и поля речи и языка», сведенное к их корням, сведенное к чистому факту означающего как мысли вне эффектов означаемого и, следовательно, в частности, мысли вне смысла бытия.

Alors c'est énorme parce que tout ce que nous avons appris avec Lacan à reconstituer comme l'histoire du sujet, c'était précisément les aventures du sens de son être et on n'y coupe pas. Je ne dis pas qu'il y a un court circuit, je ne dis pas qu'on peut s'en abstenir dans la pratique mais que, à l'horizon des avatars du sens de l'être, il y a un Ya, il y a le primat de l'Un alors que ce qu'on croit avoir appris de Lacan, c'est le primat de l'Autre de la parole qui est si nécessaire pour la reconnaissance du sens. L'Autre, celui qui entérine le sens de ce qui est dit et du désir, eh bien ici, le désir passe au second plan, car le désir est le désir de l'Autre et, au fond, la vérité qui se déprend de la passe de Lacan , c'est celle-là, qui donne la clef de la déflation q u i s'y produit du désir, que le désir n'a jamais été que le désir de l'Autre et c'est par là que cet Autre, qui n'a jamais été que supposé , qui n 'a jamais été que imaginé , s'évacue avec la consistance du désir.

Simplement il y a un après, on a été forcé de constater qu'il y avait un après et que l'après, c'était précisément que le sujet se trouvait aux prises avec le Yadl'Un une fois qu 'il en avait fini avec l'Autre, une fois qu'il avait la solution de son désir c'e st-à-dire qu'il ne s'y intéressait plus, qu 'il avait désinvesti que néanmoins persiste le Yadl'Un et ce Yadl'Un, comme je le prend ici, c'est précisément le nom de ce que Freud isolait comme les restes symptomatiques.

…это Одного имеется вдосталь (Yadl'Un), как я понимаю здесь, является в точности именем того, что Фрейд выделил как симптоматические остатки.

Avec le primat de l'Un, c'est la jouissance qui vient en premier plan, celle du corps qu'on appelle le corps propre et qui est le corps de 'lun. Il s'agit d'une jouissance qui est primaire au sens où il n'est que secondaire qu'elle soit l'objet d'un interdit et Lacan était même allé jusqu 'à suggérer que c'était la religion qui projetait sur la jouissance un interdit que Freud avait entériné.

Il allait aussi jusqu'à penser que la philosophie avait paniqué devant cette jouissance – c'était son mot – et que, paniquant devant cette jouissance, elle l'avait ensevelie sous une masse de substance, faute de penser la substance jouissante, sa permanence, son existence.

Rebelle à la dialectique qu'introduit le signifiant quand il est pris avec ses effets de signifié et que c'était à la psychanalyse de cerner cette jouissance.

Lacan a pu écrire une phrase que je ne m'explique que maintenant dans ces retours en arrière, Autres Écrits page cinq cent sept: la jouissance vient à causer ce qui se lit comme le monde. Ça veut dire que la jouissance, au fond, c'est le secret de l'ontologie, c'est la cause dernière de ce qui se présente comme l'ordre symbolique dont la philosophie a fait le monde.

Alors il y a une opposition entre ontologie et jouissance. L'ontologie fait sa place à ce qui veut être et elle implique, elle comporte aussi bien le possible alors que la jouissance, elle est du registre de 'lexistant, et c'est pourquoi Lacan avait pu dire, dans son dernier enseignement, que la psychanalyse contredit ce qui est le fantasme sur lequel repose la métaphysique – c'est peut-être moi qui a dit ça! – contredit le fantasme qui consiste à faire passer l'être avant l'avoir page – Autres Écrits page cinq cent soixante cinq – et j'ajoute: c'est le fantasme sur lequel repose la métaphysique, pour autant que l'avoir, c'est avant tout avoir un corps.

Итак, существует оппозиция между онтологией и наслаждением. Онтология находит место тому, что желает быть (veut être), и подразумевает, что она включает в себя возможное (possible), а также наслаждение, она находится в регистре существующего (existant), и именно поэтому Лакан смог сказать в своем последнем учении, что психоанализ противоречит тому, что является фантазмом, на котором зиждется метафизика – может быть, это сказал я! – противоречит фантазму, который состоит в том, чтобы пропустить бытие до имения (faire passer l'être avant l'avoir) на странице 565 Autres Écrits, – и я добавляю: это фантазм, на котором основана метафизика, поскольку иметь – это, прежде всего, иметь (одно) тело.

Le sujet lacanien, est-ce qu'on peut dire qu 'il n'avait pas de corps? Non, mais il n'avait qu'un corps visible, réduit à sa forme, à la prégnance de sa forme et le désir était indexé sur la forme du corps. Est-ce que, avec la pulsion, avec la castration, avec l'objet petit a, le sujet retrouvait un corps? Il ne retrouvait un corps que sublimé, que transcendalisé par le signifiant. Avant le dernier enseignement de Lacan, le corps du su jet, c'était toujours un corps signifiantisé, porté par le langage. Il en va tout autrement à partir de la jaculation Yadl'Un parce que le corps appara ît alors comme l'Autre du signifiant, en tant que marqué, en tant que le signifiant y fait événement et alors il vaut, cet événement, cet événement de corps qu'est la jouissance appara ît comme la véritable cause de la réalité psychique.

Лакановский субъект, можем ли мы сказать, что у него не было тела? Нет, но у него было только видимое тело, сведенное к его форме, к устойчивости его формы, а желание было индексировано на форме тела (проиндексировано формой тела). Обретает ли субъект тело при помощи влечения, кастрации, объекта маленькое а? Он обретает только тело, сублимированное, трансцендентализированное означающим. До последнего учения Лакана тело субъекта всегда было означенным телом (un corps signifiantisé), поддерживаемым языком. Это сильно отличается от восклицания (якуляции) Одного имеется вдосталь (jaculation Yadl'Un), потому что тело тогда появляется как Другой означающего, как отмеченное, поскольку означающее в нем совершает событие, и тогда стоит отметить, что, это событие, это событие тела, является наслаждением, выступает здесь как истинная причина психической реальности.

J'emploie cette expression non sans m'être demandé depuis quand nous avons une réalité psychique. Il n'est du tout clair, que, précisément, au temps auquel se rapporte Lacan pour donner sens à son Yadl'Un, Pythagore, Platon, Plotin, il n'est pas du tout clair qu'ils avaient, à l'époque, une réalité psychique.

Pour les Scholastiques, ça n'existait pas du tout, les idées du sujet. Ce n'est qu'à partir, au fond à proprement parler de Descartes, que les idées du sujet se sont mises à exister et à partir du moment où il a étendu la causalité jusqu 'à penser ensemble l'être et l'existence comme équivalents au regard de la causalité. Eh bien c'est à ce titre que je crois qu'il faut revenir à cette causalité pour donner un sens à la réalité psych ique. Ça laisse en suspend comment définir le désir de l'analyste.

Pour Lacan, le désir de 'lanalyste, quand il l'invoquait, c'était préciséme nt d 'amener l'être, l'être comme inconscient, c'est-à-dire ce qui est refoulé, à l'état accompli. Le refoulé comme ce qui veut être, comme être virtuel seule ment à l'état de possible, faisait appel au désir de l'analyste comme x pour venir à exister et alors, on peut dire que par rapport au patient, l'analyste avait sa place marquée précisément de soutenir le désir de l'Autre comme question pour le faire advenir. La position de l'analyste, quand il se confronte au Yadl'Undans l'outrepasse, n'est plus marquée par le désir de l'analyste mais par une autre fonction qu'il nous faudra élaborer par la suite et nous nous y attacherons plus tard

Voilà; à bien tôt.


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