Bon. Bien le bonjour.
Si j'ai placé ce que j'ai pu vous dire l'an dernier sous le titre Vie de Lacan, est-ce pour cette année vous entretenir de l'œuvre de Lacan ? «La vie et l'œuvre», le binaire est connu.
Mais à vrai dire, y a-t-il l'œuvre de Lacan? S'il y a un mot qui est absent chez Lacan, qu'il ne prononce et qu'il n'écrit jamais pour désigner le produit de son travail, c'est bien celui d'œuvre. Bien plutôt s'est-il attaché à ne jamais présenter ce qu'il donnait au public que comme, si je puis dire, des hors-d'œuvre, annonçant indéfiniment le plat de résistance. Des hors-d'œuvre destinés à mettre en appétit pour la suite. La suite au prochain numéro!
Lacan n'a jamais proposé de menu que sous la forme d'un feuilleton, et ce feuilleton, c'est celui de son Séminaire. Actualisons ça.
Voyez par exemple les séries à l'américaine, les séries de télévision qui sont aujourd'hui à la mode et dont on voit chaque année les mêmes personnages repartir pour de nouvelles aventures. Le Séminaire de Lacan, c'est une série de cette façon.
S'il y a une œuvre de Lacan, c'est en tous les cas le Séminaire qui en donne l'axe. Le Séminaire est, si j'ose dire, le Grand Œuvre de Lacan, un interminable work in progress dont le corps est fait de pas moins de vingt-cinq livres, tels que je les ai appelés, qui vont des Écrits techniques de Freud à celui qu'il a intitulé Le moment de conclure. Encore, ce massif de vingt-cinq livres est-il débordé à ses extrêmes: avant, on compte deux Séminaires, donnés dans l'intimité de sa maison, sur L'homme aux rats et sur L'homme aux loups, les cas de Freud, et après Le moment de conclure, encore trois Séminaires. Deux d'entre eux sont voués à la topologie des nœuds sous les titres suivants: La topologie et le temps et Objet et représentation – il n'en reste que peu dans ce dont témoigne la sténographie et dont j'ai pu sauver quelques articulations – et le Séminaire ultime, contemporain de la dissolution de l'École Freudienne de Paris et de sa tentative de créer une nouvelle école dont les leçons écrites à l'avance subsistent intégralement.
Soit une amplitude de trente années, de 1951 à 1980. Trente années qui forment, dirait-on, l'époque lacanienne de la psychanalyse s'il ne fallait en remettre encore trente de plus pour que ce Séminaire prenne une forme achevée.
Nous y sommes. C'est-à-dire la somme est là, presque. Presque, parce que reste à la publier. J'ai évoqué les deux Séminaires topologiques de Lacan, ce qu'il en reste sera publié en annexe du Livre 25 Le moment de conclure. Des deux Séminaires initiaux, on ne dispose d'indications que pour le second consacré à L'homme aux loups: des notes d'auditeurs qui ont circulé dans le milieu des élèves de Lacan, et dont j'ai établi le texte, et que je compte publier avec le Séminaireultime, celui de la Dissolution, dans un petit volume intitulé Aux extrêmes du Séminaire.
Et pour faire le point sur la publication qui reste à venir du Séminaire, j'indique que je rassemble en un volume les Séminaires XI et XXII, Les non-dupes errent et RSI, et en un volume le XXIV et le XXV, L'insu que sait etc. et Le moment de conclure. Donc, mis à part le petit volume des extrêmes du Séminaire, restent huit volumes à paraître et j'essaierai de convaincre l'éditeur de les faire sortir à raison de deux par an, ses intentions à lui étant de n'en faire paraître qu'un par an. Je compte sur la vox populi pour se manifester avec suffisamment d'insistance pour qu'il veuille bien accélérer cette production et qu'on dispose enfin de la suite des Séminaires que laisse derrière lui Jacques Lacan.
Lacan donc, n'a jamais dit: mon œuvre. Il ne disait pas davantage: ma théorie. Il disait: mon enseignement. Il ne s'est pas voulu un auteur, il ne s'est pas pensé comme un auteur, il ne s'est pas identifié à la position d'un auteur, mais à celle d'un enseignant et, comme le mot est galvaudé, disons, d'un mot qu'il a employé, d'un enseigneur.
Cela ne veut pas dire seulement que son Grand Œuvre est oral. Qu'est-ce qui distingue un auteur d'un enseigneur? C'est d'abord que l'auteur a des lecteurs tandis que l'enseigneur a des élèves. Et encore, que l'auteur parle potentiellement pour tous, tandis que l'enseigneur parle pour quelques-uns. Ce qui nous évoque bien sûr les happy few de Shakespeare à Stendhal. Et ces quelques-uns qui ont formé l'adresse de Lacan – adresse constante par-delà les traverses qui ont renouvelé ses auditeurs –, cette adresse, ces quelques-uns, c'étaient des psychanalystes. Et Lacan s'est adressé, a choisi de limiter son adresse à des psychanalystes, et précisément aux psychanalystes qui venaient l'écouter, qui se déplaçaient pour ce faire, qui apportaient leur corps, comme on doit l'apporter à une séance de psychanalyse.
Si, du vivant de Lacan, la publication du Séminaire a tant tardé – je dirais jusqu'à ce que je vienne –, ce n'est pas seulement en raison de l'incapacité des autres, ses autres élèves, à le faire, ni seulement des exigences que Lacan aurait marqué, ni de ses réticences: c'est que la matière même de ce discours à quelques – uns répugnait, était en quelque sorte antinomique à être offerte au tout-venant, en librairie, et que Lacan, en définitive, s'accommodait fort bien à ce que ses Séminaires s'accumulent dans un petit placard, rue de Lille, qu'il a ouvert un jour, devant moi. Certes, travaillé était-il en même temps du vœu que cela n'en restât point là, mais il y fallut l'occasion qui ne vint que tard.
Le Séminaire ne devient une œuvre, et Lacan auteur, que par l'office, le truchement d'un autre qui prend sur lui cette transformation, que s'en fait l'agent. Et quelle est cette transformation ? C'est de passer de ce qui fut audible, plus ou moins, au lisible, et c'est aussi une transformation qui, si je puis dire, universalise ce discours.
Certes, Lacan, par ailleurs, a été auteur. Il y a les Écrits, et il y a depuis dix ans les Autres écrits . Il a commencé, certes, d'écrire avant de faire Séminaire, mais une fois le Séminaire commencé, ses écrits sont autant de dépôts, de cristallisations du Séminaire, ce sont des chutes, des rebuts du Séminaire, ce sont, a-t-il dit, des témoignages des moments où il aurait senti spécialement à son Séminaire des résistances à le suivre. C'est aussi, il faut dire, très généralement des occasions qui ont chez lui suscité le mouvement de boucler par écrit une articulation. Et le plus souvent sous le coup d'une demande. Les écrits ont aussi une adresse, un par un. Ils sont adressés à ceux qui lui demandaient d'écrire. Comme il m'est arrivé de lui demander d'écrire une préface au Séminaire XI, d'écrire Télévision, lors qu'il se démontrait incapable d'improviser devant une caméra. Enfin, je m'entends, il était parfaitement capable d'improviser devant une caméra, mais enfin quand on filme, on reprend, il y a des raccords, et entre les prises, la réflexion de Lacan continuait d'avancer, ce qui fait que quand on voulait faire un raccord, ce n'était jamais «raccord». Au bout d'une journée, on avait compris que sa pensée ne tenait pas en place, et donc je dis: arrêtez les frais, et je lui dis: il va falloir que vous écrivie z tout ça. Ce qu'il a fait.
Et sans doute d'une façon que j'ignore mais sans doute moins familière, ses écrits sont tous écrits à la demande. Demande de délivrer un rapport pour un congrès, demande de participer à une encyclopédie, demande de participer à un colloque, demande de passer à la radio ou à la télévision, comme je viens de dire, c'est-à-dire des occasions. Demande de faire une préface... Oui, le dernier texte des Écrits, qui est intitulé La science et la vérité, Lacan l'a écrit parce que je lui ai demandé un texte pour le numéro un d'une publication de l'École Normale dont j'étais élève à l'époque, que je comptais faire sortir et je lui ai demandé d'écrire quelque chose pour ce numéro un et ça a été cet écrit-là qui achève le recueil.
Donc, je dis: des occasions, car la rédaction de ses écrits est, je crois bien sans exception, marquée de contingence, alors que la poursuite du Séminaire obéit à une nécessité, à une nécessité que je dirais interne. Et c'est par rapport à cette extraordinaire continuité d'un Séminaire poursuivi sur tente ans que sont à situer les écrits, chaque écrit de Lacan qui scandent, en scandent un moment, qui en cristallisent une articulation, qui précisent ce qui avait figuré comme approximation et disons que, désormais, on lira Lacan dans une dialectique entre les Écrits et le Séminaire. Enfin, bien sûr, il y en avait déjà pas mal qui étaient là de ces Séminaires, treize, si je ne me trompe, mais l'ensemble complété – à mon regard à moi-même pour qui c'est déjà complété, ça ne vous est pas encore parvenu – change après – coup la nature des éléments. Et cet effet d'après-coup va se produire sous peu pour tous.
Loin de moi l'idée de dévaloriser ce que Lacan a produit d'écrits. Rien de ce que j'évoque ici ne va dans ce sens. Oh, je s ais bien qu'un certain nombre de prosateurs, autant ils célèbrent Lacan à son Séminaire qui les faisait vibrer, autant déplorent la rugosité de son style écrit, le qualifient d'illisible, de maladroit, de torturé, enfin, ça n'est absolument pas mon point de vue.
C'est dans l'écrit, par l'écrit – l'écrit dont il a distingué la fonction bien avant que ça ne soit à l'ordre du jour de la philosophie contemporaine: Lacan a tout à fait fait sa place à la fonction de l'écriture, spécialement dans son Séminaire de L'identification, le Séminaire XIX, et dans les termes les plus précis, évoquant une primauté de l'écriture avant que ce thème ne soit mis à l'ordre du jour de la pensée philosophique – c'est par l'écrit que Lacan fixe sa doctrine, l'usage propre de ses termes.
C'est là, si je puis dire, qu'il sépare le bon grain de l'ivraie, qu'il sélectionne dans son Séminaire ce qui mérite à son gré d'être isolé, préservé. Dans le Séminaire, Lacan fait des tas de tentatives, s'avance dans des tas de directions, parfois s'aventure – d'une façon mesurée mais tout de même – dans certaines rêveries, pousse jusqu'au bout certaines analogies. Dans ses écrits, il fait le partage entre ce qui mérite d'être préservé sous cette forme et ce qui peut rester dans son placard, si je puis dire. Et j'ai d'autant moins l'idée de dévaloriser les écrits, ce qu'il y a d'écrit de Lacan que sur un plan personnel, ce sont ses écrits qui m'ont conduit à Lacan. Sur l'injonction de Louis Althusser, j'ai pris connaissance de ce qui était alors en 1963, fin 63, disponible en librairie des articles de Lacan et c'est par là que j'ai été happé.
Mais, cela étant dit, les Écrits, ce que Lacan a fait d'écrit, s'enlèvent sur le fond du Séminaire, se détachent sur le fond du Séminaire. Le Séminaire, c'est à proprement parler le lieu de l'invention, de l'invention d'un savoir. On a aujourd'hui – parce qu'Althusser, justement, ou ses proches, ont remis à un Institut musée ses archives –, on a une lettre que Lacan adressait à Althusser le 21 novembre 1963, au moment où, à la recherche d'un abri, il avait pris langue avec cet enseignant de l'École Normale pour y obtenir une salle où il devait faire Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse et les quatre Séminaires suivants. Et Lacan écrivait à Althusser en novembre 1963, parlant de son Séminaire dans ces termes: «Le Séminaire, où j'essayais depuis dix ans [donc à partir des Écrits techniques de Freud, le premier Séminaire public qu'il a tenu à Sainte-Anne, dans un amphithéâtre de Sainte-Anne, son protecteur étant le docteur Jean Delay] de tracer les voies d'une dialectique dont l'invention fut pour moi une tâche merveilleuse.» Ce dernier adjectif, merveilleuse, nous donne, au fond, un petit aperçu sur ce qui a été pour Lacan la joie de donner ce Séminaire, la jouissance, pour dire le mot, qui a été alors la sienne, et dont il passe quelque chose, suffisamment, pour que des Séminaires qui ont plus d'un demi- siècle, quand ils paraissent et paraîtront aujourd'hui, ne sont pas reçus comme le témoignage de ce qu'on pensait jadis, mais sont reçus au présent et comme indiquant des voies d'avenir.
Je peux prendre faveur de cette expression de Lacan pour témoigner au moins d'une fois que ma tâche à moi concernant le Séminaire de Lacan, c'est aussi pour moi une tâche merveilleuse. Ça va me manquer, pour tout dire. Je dirai tout à l'heure précisément comment je la vois cette tâche-là, comment je la vis, cette tâche.
Lire le Séminaire, c'est assister à l'invention d'un savoir à l'état naissant. Et on ne peut pas dire que ça naisse dans le dialogue – encore que Lacan ici et là donne la parole à certains –, mais c'est une invention qui suppose, je l'ai dit, une adresse à l'autre, une adresse à des psychanalystes. Et sans que leur qualification soit nécessairement validée par Lacan, et au contraire c'est un thème récurrent du Séminaire qui s'invente que la mise en question de la qualification de cet autre-là, la mise en question de la qualification des psychanalystes.
Au fond, ça ne prend pas la forme de l'éloge, c'est le moins qu'on puisse dire. Il y a un hommage, un hommage constant, à savoir que ce discours se fait pour eux. Je me suis aperçu, spécialement dans le dernier Séminaire auquel je me suis attaché, que j'avais réservé pour la bonne bouche, étant données les difficultés spéciales qu'il présente, Séminaire que j'ai déjà mentionné de L'identification, j'ai été saisi par le nombre de fois où Lacan dit: pour vous. – Et voilà ce que j'ai construit pour vous, – et voilà pour vous, et pour vous, et pour vous..., j'ai dû en enlever certains dans le texte parce que ça commençait à faire bouchon, ces pour vous. Mais: pour vous. Donc il y a à cet égard un hommage constant, le Séminaire est lui-même un hommage aux psychanalystes.
Mais à l'intérieur de cet hommage... Qu'est-ce qu'il les traite mal! Sont-ils seulement à la hauteur? Ils ont recours, le plus souvent, à des alibis, plutôt que de penser la chose même à quoi ils ont à faire, ils oublient les choses essentielles qui leur ont été dites et il faut le leur répéter, il faut insister, et Lacan l'a dit, l'insistance est, si je puis dire, la mamelle de l'enseignement.
Et en même temps, néanmoins, ils sont, ces psychanalystes, les témoins de l'invention, au sens où ce sont eux qui peuvent témoigner de l'adéquation des propos de Lacan à ce dont il s'agit dans l'expérience, à ce qui se passe dans l'expérience et à ce qui s'y révèle, à ce qui s'y révèle des faits de transfert, à ce qui s'y révèle d'une vérité intime, y compris de ses variations et, au fond, Lacan tient son Séminaire sur le fond de cette communauté d'expérience, sur le fond de ce que ces psychanalystes, si défaillants apparaissent-ils dans son discours, ont néanmoins en commun avec l'enseigneur l'expérience des phénomènes analytiques. Alors, qu'ils n'y comprennent rien, c'est une chose, qu'ils les prennent à l'envers, qu'ils les conduisent dans des impasses, au fond peu importe, ils sont néanmoins en contact avec la chose même.
Mon travail de truchement, je l'ai qualifié, au moment où je le commençais, en disant que j'établissais un texte. Je l'ai dit avec un certain humour, dans la mesure où j'indiquais en même temps qu'il s'agissait d'établir un texte dont l'original n'existait pas. Et j'ai dit: établir parce que le vocable qu'on emploie quand il s'agit de donner des éditions des textes antiques, grecs ou latins, on dit en français: texte établi par, et au moment où je me suis mis au Séminaire, à la tâche du Séminaire, je n'avais pas si loin derrière moi le moment où je pratiquais Tacite voire Aristote dans les éditions des Belles Lettres où se répétait: texte établi par, et où les notes marquaient les différentes versions selon les copies des manuscrits.
Mais bien entendu, ici l'original n'existe pas, puisque que d'abord il n'y a pas de manuscrit, il y a la sténographie d'un discours oral. Et si je dis que l'original n'existe pas, ce n'est pas seulement en raison des erreurs de la sténographie, ça tient à la nature même de ce qu'est un discours authentiquement oral, c'est-à-dire qui n'est pas la simple lecture d'un texte écrit. Comme on sait, Lacan improvisait son discours à partir de notes écrites mais en donnant libre cours à l'invention du moment à partir de ces pilotis.
Or la sténographie garde la trace, elle garde la trace de ce qui différencie profondément le cours oral de l'expression de son cours écrit: vous commencez à dire quelque chose, jusqu'à un moment où vous apparaît une façon de le dire mieux. Vous pouvez vous arrêter et dire: je reprends. C'est lourd, ce serait souligner vous-même votre erreur, donc au moment où vous apparaît une meilleure façon de dire ou un angle qui est préférable pour saisir ce dont il s'agit, voilà qu'en continuité vous dérivez par rapport à votre intention première pour suivre ce qui vous est ensuite apparu. Sur la sténographie, vous n'avez qu'une phrase, alors que cette phrase est intérieurement rompue par la divagation de l'intention et si vous la reproduisez telle quelle, vous avez un charabia, vous n'avez rien qui se suive et qui dans l'audition a pu passer en raison de l'inattention générale, de la gestuaire, voire de l'intonation. Il arrive aussi que le discours oral se précipite vers une conclusion qui happe l'orateur lui-même, il brûle les étapes.
Donc il ne s'agit pas, dans ce qui est mon travail, de ce que Lacan a dit et de simplement le restituer-à ce moment-là, il suffit de dactylographier la sténographie, ce à quoi se vouent un grand nombre de personnes que je n'ai jamais empêché de faire ça. Ce dont il s'agit, dans ce qui est mon travail, c'est de retrouver ce que Lacan a voulu dire! Et qu'il n'a pas dit. Ou qu'il a dit de façon imparfaite, obscure.
Évidemment, c'est risqué, c'est un exercice risqué d'évaluer ce qu'il a voulu dire et qu'il n'a pas dit. Qu'il n'a pas dit parce que le signifiant résiste! Le signifiant résiste à l'intention de dire. Il s'agit de retrouver ce qu'il a voulu dire au plus près de ce qu'il a dit, mais en se soustrayant à la dictature de ce qu'il en reste dans la sténographie. Et c'est spécialement valable quand il s'agit, comme dans ce Séminaire de L'identification, de multiples figures topologiques dont Lacan faisait l'apprentissage en même temps qu'il les enseignait, en tout cas il s'enseignait à les dessiner, et que clairement une partie de ce qu'il en disait était dite pendant qu'il dessinait. Si, là, on ne prend pas pour règle ce qu'il a voulu dire, il faut bien dire qu'on n'y comprend absolument rien. Et donc, là, c'est bien l'intention, telle qu'on peut la reconstituer à partir de ce qu'il a dit, c'est bien l'intention qui domine.
Autrement dit, si j'avais à qualifier à partir de là ce que j'ai fait et peut-être ce que j'aurais dû faire davantage, je dirais: c'est traduire Lacan. C'est une traduction.
Lacan s'exprimait dans une langue qui n'était parlée que par un seul, et qu'il s'efforçait d'enseigner aux autres. Et cette langue, il s'agit de la comprendre, et je peux dire, je me suis aperçu ces dernières années, qu'en définitive, je ne la comprenais vraiment qu'après l'avoir traduite. Avant, sans doute, à parcourir à de nombreuses reprises ses Séminaires, comment dire?, je sentais de quoi il s'agissait, et suffisamment pour y prélever les théorèmes qui pouvaient moi-même m'inspirer dans ce cours. Mais, en définitive, c'est seulement une fois que j'ai établi, écrit le texte dans le mouvement de le faire définitivement que pour moi-même apparaissent quoi?, apparaissent les linéaments, la trame si serrée de l'invention de Lacan.
En effet, quand je dis: traduire, je dis: faire apparaître l'architecture. Quand Lacan dit qu'il s'est voué à l'invention d'une dialectique, un philosophe, comme j'étais jadis, aurait parlé par exemple, de ce qui est chez lui l'autodétermination architectonique du Séminaire. C'est- à-dire de cette succession de choix qui détermine l'unité interne, organique, articulée du discours. C'est ça qui est l'architectonique au sens de Kant. Et je pourrais à ce propos, puisque architectonique n'est pas sans rapport avec architecture, évoquer la doctrine de l'architecture que Lacan propose dans son Séminaire de L'identification, et où il s'agit pour lui, disons-le, d'arracher l'architecture au volume pour la rapprocher de la surface dont Lacan fait la topologie.
«L'architecture, dit-il, présente une singulière ambigüité en ceci que cet art qui apparaît pouvoir de sa nature se rattacher aux pleins et aux volumes, à je ne sais quelle complétude, se révèle en fait toujours soumis au jeu des plans et des surfaces. Il n'est pas moins intéressant de voir aussi ce qui en est absent, à savoir toutes sortes de choses que l'usage concret de l'étendue nous offre, par exemple les nœuds.»
Là, on voit comme en raccourci apparaître ce à quoi Lacan va vouer tout son intérêt par la suite. Et il dit: «Avant d'être volume, l'architecture s'est faite à mobiliser, à arranger des surfaces autour d'un vide.»
Et c'est ainsi que je me représente l'architectonique lacanienne: organisée comme des surfaces autour d'un vide. Et je pourrais même là donner comme emblème à ce Séminaire, chemin de l'invention d'un savoir, je pourrais lui donner comm e emblème cet objet topologique qui est le premier dont Lacan ait traité et qu'il a introduit dans la psychanalyse. C'est cet objet qui s'appelle le tore et qui se représente au mieux par l'image d'une chambre à air, d'un anneau, c'est-à-dire d'un cylindre recourbé dont les deux bouts viennent s'accoler. C'est le premier objet que Lacan met en scène, met en scène dans son Séminaire L'identification, et auquel on trouve déjà une allusion dans son écrit Fonction et champ de la parole et du langage, en passant. Il y a une allusion à la forme de l'anneau.
C'est par là que Lacan introduit la topologie dans la psychanalyse et il y oppose avec force précautions deux dimensions, deux formes d'existence du trou, à savoir, le trou interne, celui qui est déjà présent dans le cylindre, autour de quoi on enroule une surface, qui se trouve comme ça creuse, donc premier trou, ce trou interne, second trou, le trou central du tore, c'est-à-dire celui par lequel il communique avec l'espace environnant. Ce qui fait que c'est un objet percé, le trou perce le tore ici verticalement, et puis il y a le trou qui est pris dans le cylindre.
Lacan développe longuement l'opposition de ces deux trous et ensuite aussitôt en propose un usage métaphorique, en illustrant par ce moyen le rapport de la demande et du désir. Il invite à tracer autour du corps cylindrique du tore des cercles, des cercles en spirale et il propose métaphoriquement que ces cercles en spirale, donc qui tournent autour de la chambre à air, représentent la répétition, l' insistance de la demande, la demande qui se réitère – première représentation –, et autour du trou interne, les tours multiples de la demande qui finissent par se boucler au terme du circuit. Il fait alors remarquer que du seul fait de s'être bouclés autour du corps cylindrique, se trouve invisiblement entouré le trou central et que c'est ce trou central qu'alors, métaphoriquement toujours, il identifie à l'objet du désir, celui que les tours de la demande, chacun, aucun de ces tours n'enveloppe cet objet, mais le corps complet, si je puis dire, des tours de la demande finissent par dessiner le trou central.
Eh bien, nous y reviendrons éventuellement cette année, je ne l'évoque que pour dire que je me représente le Séminaire de Lacan aujourd'hui sur ce modèle. C'est que ces Séminaires qui se poursuivent s'enroulent comme les tours de la demande, se réitérant année après année – et il faut bien dire jusqu'au bout, tant qu'il a eu voix –, et en même temps, ils entourent, ils forment comme l'entour d'un vide central et c'est en direction de ce vide que le Séminaire progresse, c'est en quelque sorte ce vide qui est le ressort de sa réitération, le ressort de ce work in progress. Et il nous faudra mettre un nom, peut-être, sur ce vide.
Comment procède Lacan dans son Séminaire? C'est assez distinct des Écrits. Selon moi, il procède essentiellement par argumentation, et c'est par là qu'il m'a capté, moi. On s'imagine... oui, pourquoi dire ça? On constate que pour un certain nombre, ils ont été happés par le Séminaire de Lacan parce que pour eux, Lacan poétise, il profère, il déclame et c'est ça qui les met K.O. Je constate que pour un grand nombre, c'est une sorte de prophète romantique. Et c'est vrai qu'il y a des couplets de Lacan, qu'il y a des couplets où, à un moment, on sent les trémolos, où les violons tremblent, comme ça et il manie ça en veux-tu, en voilà. Pas dupe! Je veux dire qu'une fois l'effet produit, il arrête ça dans l'instant et il repart sur son ton habituel. Donc, évidemment, ces couplets ont leur place, mais ils ont toujours leur place dans une argumentation.
Alors, qu'est-ce que c'est que cette argumentation? D'une part, c'est une déduction. Il n'y a pas de doute qu'à cet égard, Lacan est sinon logicien du moins logique. C'est-à-dire qu'il procède selon le pas-à-pas de démonstration. Par exemple dans les Séminaires de la première période, spécialement du Séminaire III au Séminaire VI, il procède selon, en effet, une dialectique d'inspiration hégélienne. Mais selon cette dialectique, il procède à des démonstrations, ensuite ce sera selon d'autres modes que le mode hégélien. Et il faut bien dire que quand il s'agit par exemple de la topologie, il y a des pas de la démonstration qu'il faut restituer, parce que Lacan, à l'occasion, se précipite, essaie de dire en une seule phrase ce qui demande à se découper en plusieurs opérations et faute de déplier ces temps, on n'y comprend rien. Et en plus, il a essayé dans ses ultimes Séminaires de montrer qu'il y avait une appartenance très grande entre la topologie et le temps, précisément. Il y a des choses qu'il faut faire d'abord, et qu'on fait après et que ça change selon l'ordre où on fait les opérations. Donc, il y a d'abord l'argumentation comme déduction.
Mais il y a aussi, et je crois l'avoir déjà dit dans ce cours, une argumentation chez lui, une argumentation d'avocat. C'est-à-dire qu'il plaide une cause. Il plaide la cause de ce qu'il veut démontrer, et plaidant cette cause, il apporte des arguments à l'appui. N'oublions pas qu'une des premières références qu'il ait signalée, en particulier à l'époque de Fonction et champ de la parole et du langage, c'était le Traité de l'argumentation du Professeur Perelman, et j'y vois l'indice qu'il ne faut pas entendre simplement l'argumentation de Lacan comme une argum entation logique mais comme une argumentation de rhéteur. Il fixe une direction et alors il accumule les preuves à l'appui en essayant de sidérer les objections.
Ce qui fait que parfois, à d'autres années de son Séminaire, il essaie de démontrer autre chos e et aussitôt il remballe les preuves à l'appui d'il y a trois ans et puis on a de nouvelles preuves à l'appui pour aller dans le sens contraire. D'où, quand on croit simultané le discours de Lacan, d'où l'effet de désorientation où on se trouve. Ça fait penser à la pièce de Courteline Un client sérieux, où Barbemolle, avocat de Lagoupille apporte dans sa plaidoirie de quoi dédouaner Lagoupille et puis, soudainement, en plein milieu de l'audience, il est nommé procureur et le voilà qui passe au siège de procureur, et aussitôt il redéfait les arguments de sa plaidoirie pour accabler le malheureux Lagoupille qui réclame d'ailleurs le remboursement de ce qu'il a versé à son avocat. Eh bien, il y a chez Lacan, en effet, on le voit très bien à certains moments – pour valider une orientation qu'il prend pour les meilleures raisons du monde – mobiliser dans une leçon de Séminaire, faire feu de tout bois pour justifier cette orientation, et ça passe par des arguments logiques et ça passe aussi par des couplets à vibrato qui s'inscrivent dans une stratégie de rhéteur tout à fait précise.
Autrement dit, ma traduction de Lacan s'oriente avant tout sur l'argumentation et c'est à partir de l'idée que c'est bien déduit, qu'il doit y avoir une argumentation impeccable, que je lis les détritus de la sténographie et que je constate que ça y est, je constate que ça y est parce que, enfin, j'en ai assez fait pour en avoir la conviction préalable.
Donc je reconstitue une chaîne de déductions, et parfois il y a un chaînon qui a sauté et je le restitue à sa place. Je fais ça maintenant plus que je ne le faisais. Avant, quoi?, étais-je plus timide? Avant, je dirais, je laissais davantage le lecteur s'en débrouiller, et le débrouillage, je le faisais à l'occasion dans mon cours. Maintenant, disons, je débrouille davantage le texte que par le passé. J'ai commencé d'ailleurs par la phrase, la phrase de Lacan qui confie toujours le terme le plus important au dernier mot et qui donc oblige préalablement à des acrobaties, je l'ai très long temps préservée. À partir d'une certaine date, j'ai décidé de détordre la phrase, constatant les difficultés que ça produisait pour le lecteur, et aujourd'hui, un pas de plus, j'ai essayé de fournir dans ces huit Séminaires un texte aussi peu équivoque que possible, c'est-à-dire j'ai restitué, on voit plus clairement quels sont les antécédents des relatifs par exemple, en pensant que si je ne le faisais pas, personne ne le ferait. Voilà, bon.
Et il faut dire que ça émerge comme une Atlantide engloutie, ce débroussaillage, ou alors c'est comme une excavation où on prend comme ça dans les mains quelque chose de poussiéreux et avec une petite balayette on enlève et on voit alors le relief apparaître, et ça se produit pour moi dans le travail même que j'y fais et donc je le fais avec, si je puis dire, la jubilation de l'archéologue qui voit remonter à la surface des inscriptions enfouies.
Reste certainement qu'il faut y mettre du sien, et que, si détordue, si complétée que soit là l'argumentation de Lacan, elle n'empêche pas d'y mettre du sien. Et j'évoquerai ici un auteur auquel, je crois, Lacan avait fait lui-même référence une fois – je ne crois pas qu'il y en ait trace –, quand il annonçait la création de son école, il avait évoqué-peut-être parce que je lui en avais parlé – Fichte, élève de Kant qui, dans sa seconde introduction à la Wissenschaftslehre, La doctrine de la science, écrit, parce qu'on lui objecte qu'on ne comprend absolument rien à ce qu'il énonce comme cours de philosophie: «On dit qu'on doit compter avec l'activité autonome de l'autre et lui donner, non pas telle pensée déterminée mais seulement les indications pour la penser lui- même.» C'est ce que fait Lacan dans ses Écritsmais aussi dans le Séminaire, il donne les indications pour qu'on pense par soi-même. Et c'est une idée qu'il exprime lui – mêmeàsafaçon,àlafinde l'ouverture des Écrits, page 10: «Nous voulons, du parcours dont ces écrits sont les jalons [...] amener le lecteur à une conséquence où il lui faille mettre du sien.» C'est la même idée, et puisque je suis sur l'un des auteurs majeurs de l'idéalisme transcendantal, je vais conclure en vous donnant l'orientation que je retrouvais dans Schelling, dans un de ses petits traités sur l'explication de l'idéalisme de la doctrine de la science:
«On devrait penser que seul un homme qui a, lors des recherches empiriques, assez souvent senti combien, à elles seules, elles contentent peu l'esprit; senti que précisément les problèmes les plus intéressants qui s'y trouvent renvoient si souvent à des principes supérieurs, et avec quelle lenteur et quelle incertitude on progresse en elles sans Idées directrices – seul un homme qui a appris, par une expérience multiple, à discerner l'apparence et l'effectivité, l'inanité et la réalité des connaissances humaines, seul un tel homme – fatigué par maintes vaines recherches qu'il s'est à lui-même proposées dans l'ignorance de ce dont l'esprit de l'homme est capable, seul un tel homme soulèvera en lui, avec un complet intérêt, avec une claire conscience du sens de ce qu'il demande, la question: Qu'est-ce qui à la fin est réel dans nos représentations?»
Ce qui est réel, c'est là en allemand, das Reale. Qu'est-ce qui, à la fin est réel dans nos représentations? Eh bien, cette question, au fond, elle est ce qu'il y a de plus naturel au psychanalyste. Qu'est-ce qui est le réel à la fin? Non pas par rapport à la représentation, qui est ce qui est porté à son culmen par l'idéalisme transcendantal, mais dans la dimension des paroles, dans tout ce qui se charrie dans une analyse, de récits, d'anecdotes, de déplorations, de reproches, d'approximations, de vœux, de mensonges, – de demi-vérités –, de repentirs, de soupirs, de paroles qui, disait Lacan, en définitive ont bien peu de valeur. Qu'est-ce qui dans tout ça, à la fin, qu'est-ce qui est le réel?
Et je dis que ce qui oriente la tâche merveilleuse de cette invention de la dialectique dont Lacan a parlé et qui est là déposée dans les tours spiralés du Séminaire, c'est cette question, la question que Schelling formule dans les termes: qu'est-ce qui est à la fin das Reale? Au fond, la grande réponse de l'enseignement de Lacan à cette question, c'est: le réel c'est le symbolique.
C'est le symbolique, parce que ce qu'il appelait le réel à cette date était exclu de l'analyse et donc ce qu'il isolait comme le réel dans la cure, dans le sujet, c'est le noyau de symbolique, à l'occasion incarné par la phrase, et dans son opposition à ce qu'il s'agissait de traverser comme un écran, à savoir l'imaginaire. Et donc, disons que ce qu'on a appelé l'enseignement de Lacan, et qui est essentiellement, qui au niveau du Séminaire se tient dans les six premiers, des Écrits techniques de Freud au Désir et son interprétation, c'est: le symbolique est le réel de l'imaginaire; le symbolique est ce qu'il y a de réel dans l'imaginaire. Et il faut la rupture du Séminaire VII, L'éthique de la psychanalyse, pour que le réel retrouve ses couleurs à distance du symbolique et de l'imaginaire, pour que le réel repousse le symbolique et l'imaginaire dans le statut de semblant, ce réel alors apparaît indexé par le mot allemand, c'est ce qui me faisait me référer à Fichte et Schelling entre Kant et Hegel, indexé par le mot de das Ding, la chose. Référence par quoi Lacan indiquait la pulsion.
Eh bien, c'est ce qui cette année, cette année dans le fil du Séminaire de Lacan, fera notre question. Qu'est-ce qui à la fin est réel?
Pour Freud, pour le dire vite, ce qui à la fin est réel, c'est la biologie. À la fin des fins.
Et si je veux encore rester dans le court-circuit, pour Lacan, à la fin des fins, ce qui est réel, c'est la topologie. C'est-à-dire ce qui n'est nulle matière, qui n'est que pure relation d'espace ou même ce qui est un espace qu'on doit par rapport au nôtre marquer de négation, un n'espace, avec un n apostrophe qui indique ici qu'il ne s'agit de rien de sensible.
Oui, si dans L'identification Lacan utilise encore ces figures comme des illustrations ou comme des métaphores, s'il a, au-delà même de son Moment de conclure traqué, continué de traquer la topologie, c'est qu'il y a vu, qu'il y a situé dans son non-sens le réel.
Et dans tout ce qu'énonce Lacan, les guillemets sont constants. Il ne s'exprime jamais à son Séminaire sans dire: si je puis dire, pour ainsi dire, ce qu'on appelle... Il prend tout avec des pincettes. C'est-à-dire qu'il prend tout justement comme des signifiants avec lesquels on essaie maladroitement de capter ce qu'il en est du réel. C'est d'ailleurs pourquoi je suis obligé, quand je le mets en forme de façon lisible, il faut que j'en enlève sinon on ne peut plus lire la phrase. Enfin, entre ce qu'on appelle ceci et ce que j'appelle ceci, on doublerait le volume. Mais j'en laisse suffisamment pour qu'on saisisse que c'est l'atmosphère même de son discours, l'essence même de son énonciation que de prendre les choses, prendre les mots entre guillemets. C'est des façons de parler, et les façons de parler sont aussi des façons d'effacer ce dont il s'agit.
Mais parfois cette attitude, je peux dire ça, cette attitude propositionnelle, comme disait Bertrand Russell, cette attitude propositionnelle qui était celle de Lacan depuis toujours, il a dit: je me faisais connaître, quand j'étais étudiant, j'étais celui qui disait: ce n'est pas tout à fait ça. Bon. Mais parfois, précisément, quand on se tient à cette discipline, parfois c'est tout à fait ça. En particulier, c'est quand on trouve le mot juste et parfois, pour trouver le mot juste, il faut le déformer, il faut qu'il arrive à passer le mur du signifiant et du signifié, donc on ne passe pas le mur du signifiant et du signifié sans le déformer quelque peu, et parfois c'est tout à fait ça.
Eh bien, en particulier, quand je dis, au nom de Lacan - il l'a dit une fois, deux fois –, quand je dis, au nom de Lacan: la topologie c'est le réel, je le dis sans guillemets, au sens où pour Lacan, c'était tout à fait ça.
À la semaine prochaine.
Applaudissements.